Publié le 27 Juillet 2015

Aujourd'hui, il vous reste 20 jours, pas un de plus pour envoyer vos photos d'insectes de France.

N'attendez pas la dernière minute.

Le lundi 17 août à 0h01, il sera trop tard.

Rouge sur rouille (Crocothémis écarlate mâle surveillant son territoire) ©Bruno Derouané

Rouge sur rouille (Crocothémis écarlate mâle surveillant son territoire) ©Bruno Derouané

Vous avez droit à 3 photos. N'oubliez pas le bordereau d'envoi.

Pour plus de détails reportez vous svp à l'article de lancement du concours

Réglement

Bordereau d'envoi

Le jury se réunira le 26 août prochain pour sélectionner les photos qui seront soumises aux voix du public et attribuer ses prix.

Les photographes sélectionnés seront informés dans les meilleurs délais. Ils devront fournir le fichier de leur photo retenue au meilleur format disponible, si possible avec les détails techniques de la prise de vue et une légende.

Le public pourra voter pour sa photo préférée du 10 au 17 octobre au centre commercial Val-d'Halatte à Pont-Sainte-Maxence (Leclerc partenaire du concours). La proclamation des prix du jury et du public se fera le samedi 17 octobre à partir de 16h00.

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Publié le 20 Juillet 2015

Mon ami Jacques, il y a quelques jours, me pose la question : « Dis moi, comment tes insectes supportent-ils la canicule ? Et toi ? »

sirphe bravant la canicule ©RogerPuff

sirphe bravant la canicule ©RogerPuff

Bonne(s) question(s). Moi cela va, enfin c'est vrai, il a fait chaud. Les pluies de ce week-end ont fait du bien.

Mais lorsqu’il fait très chaud, c’est surtout de l’activité importante des insectes dont on s’inquiète. Tiens cliquez donc sur "insecte + canicule" sur votre navigateur préféré et vous allez voir apparaître des questions sur la prolifération avec la canicule des insectes, tels que criquets, moustiques ou guêpes, sur l’apparition d’insectes exotiques, avec souvent en arrière fond les risques liés au changement climatique.

sphinx tête de mort, illustration extraite de Mémoires pour servir à l'histoire des insectes ©gallica.bnf.fr

sphinx tête de mort, illustration extraite de Mémoires pour servir à l'histoire des insectes ©gallica.bnf.fr

Pendant la canicule de 2003, des sphinx à tête de mort venus d’Afrique ont par exemple été repérés à la frontière belge ou dans les Vosges. On s'est cet année inquiété Outre-Quiévrain de la présence d'un sphinx du troène à la belle couleur rose, pourtant bien présent sous nos climats.

Et oui quand il fait un peu chaud, les insectes sont agités, c’est le moins qu’on puisse dire. Cela étant les insectes ne sont pas tous à la fête et d’ailleurs pendant les jours de canicule, je n’en ai pas trouvé beaucoup à photographier. Les insectes sont comme nous, ils ont soif, ils cherchent l’ombre et des végétaux frais à manger alors que tout est grillé.

Qui plus est les insectes ne sont pas comme les mammifères capables de réguler leur température corporelle. A la limite les insectes sociaux peuvent maîtriser la température de leur habitat, comme par exemple les termites véritables spécialistes de la climatisation pour maintenir la termitière à une température acceptable pour leurs larves. Les abeilles savent aussi ventiler leur ruche en vibrant des ailes. Mais individuellement les insectes sont tributaires de la température externe.

abeille bravant la canicule ©RogerPuff

abeille bravant la canicule ©RogerPuff

On dit qu’ils sont poïkilothermes. Un joli mot qui vient du grec poïkilo, irrégulier, et therme, chaleur. Donc des animaux à chaleur irrégulière. Quand il fait froid, ils sont en quasi léthargie. Dès que la température monte, ils se mettent en mouvement, au besoin se réchauffent comme les lézards en se mettant au soleil. L’activité musculaire qu’ils déploient notamment en faisant vibrer leurs ailes augmente la température de leur corps de quelques degrés. Mais qu’advient-il s’il fait très chaud ?

En fait on a pu établir des courbes, légèrement différentes selon les espèces et leur milieu habituel, montrant comment ils s’adaptent aux différentes températures. Par exemple en soumettant des mouches Stomoxys calcitrans à un gradient de température, on a pu constater que les individus avaient tendance à se concentrer dans la zone comprise entre 24 et 32°C (expériences de Nieschutz en 1934). On appelle cette zone le preferundum thermique, l’insecte y a son optimum d’activité, d’alimentation, de vol, de reproduction.

extrait de "Les insectes, résistance à la mort par décapitation ou submersion" d'après article OPIE

extrait de "Les insectes, résistance à la mort par décapitation ou submersion" d'après article OPIE

Entre parenthèses j’ai trouvé quelques vieux textes où des insectes étaient soumis à diverses expériences plus ou moins sadiques, pour étudier leur résistance à la submersion ou au tranchage de tête, mais pas grand chose sur la résistance aux hautes températures, si ce n’est quelques informations sur la cuisson des insectes comestibles.

La température limite à laquelle les insectes peuvent résister est effectivement associée à la résistance des protéines à la coagulation, processus irréversible. Or un insecte ce n’est rien moins que beaucoup de protéines et un peu de lipides dans une carapace de chitine, exactement comme une crevette (pour laquelle votre expérience de la cuisson est certainement bien établie).

zygène du trèfle à 30°C environ ©RogerPuff

zygène du trèfle à 30°C environ ©RogerPuff

Cette coagulation va dépendre de la teneur en eau et en sels minéraux de la chair de l’insecte. Ceci dit les insectes peuvent résister à des températures de l’ordre de 55°C, voire un peu plus, plus élevées que la température moyenne de coagulation des protéines. Bien sûr les insectes de nos climats ont des températures létales (auxquelles 50% des individus périssent) plus basses que celles des insectes des pays chauds. Au Sahara la fourmi Cataglyphis bombycina résiste à une température au sol de plus 70°C, mais les Notoptères, insectes vivant en montagne, ne supportent pas une température de plus de 16°C.. Cette température létale va également dépendre du stade de développement (larve, nymphe, imago), du sexe et des conditions nutritionnelles. La plupart des insectes qui vivent sur le sol périssent à 45-48°C, pour ceux qui vivent dans le sol, la fourchette est plus basse.

frelon occis mais pas sous l'effet de la chaleur  ©RogerPuff

frelon occis mais pas sous l'effet de la chaleur ©RogerPuff

Certains d'entre vous ont récemment pu lire qu'en Chine des abeilles sauvages sont capables de tuer un frelon asiatique qui s’introduit dans leur nid en s’agrippant en grappe autour de lui et en faisant monter sa température en vibrant des ailes : le frelon résiste jusqu’à 42°C, l’abeille accepte 43°C. Le degré Celsius d'écart fatal.

L’information n’est toutefois pas nouvelle. Je l’ai trouvé dans un ouvrage de 2010 écrit par Vincent Albouy, dans l’article Quel insecte résiste le mieux à la chaleur ? J'ai pu lire par ailleurs que la température atteinte était de 45°C voire plus. Un article de 2008, faisant référence à une émission télévisée, parle de 50°C et d'abeilles japonaises, mais l'auteur considère que c'est plus du domaine de la rumeur que de l'information.

Attention, la durée d’exposition joue également, donc si la canicule s'installe pour plusieurs jours, ce n’est pas bon pour eux.

Alors que font les insectes quand il fait trop chaud ? Il est probable qu’ils vont moins s’agiter (on a vu que les mouvements augmentent la température corporelle), ils vont se mettre à l’ombre (beaucoup en outre n’aiment pas trop la lumière), ils vont se terrer, bref ils vont faire comme nous : évitez les efforts physiques, se maintenir au frais et s’ils le peuvent s’humidifier et se ventiler. Nous connaissons tous depuis la canicule de 2003 les bons conseils, abondamment repris ces derniers jours. Nul doute qu’ils [les insectes voyons] vont aussi prendre des nouvelles de leurs proches, mais ils n'appelleront probablement pas le 15.

diptère à 28°C ©RogerPuff

diptère à 28°C ©RogerPuff

Il est probable que leur durée de vie pourra tout bêtement être raccourcie de quelques jours, que les individus les plus âgés vont mourir plus tôt que prévu, mais il est certain que quelques uns vont tout simplement cuire, après s’être déshydratés (eux aussi doivent boire beaucoup, comme nous).

Au fait, la chaleur peut être utilisée pour détruire les insectes ravageurs dans les récoltes, cette technique est appelée "désinsectisation thermique". On a même pensé à utiliser les fours à micro-ondes pour cuire les insectes sans cuire les grains. Des procédés existent aussi pour monter en température pendant plusieurs heures des locaux d'habitation pour détruire des acariens ou des punaises de lit.

Conclusion : comme nous les insectes souffrent de la canicule, ralentissent leur activité et passent quelquefois de vie à trépas.

Nous ne parlerons pas aujourd’hui de la résistance des insectes au froid, ce n’est vraiment pas de saison. Sans oublier qu'il faudra bien que j'écrive quelque chose cet hiver.

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Publié le 11 Juillet 2015

Les insectes à l'école maternelle

Cette année, dans le cadre de son nouveau projet d’école, l’école maternelle Paul Langevin de Pont Sainte Maxence a travaillé sur le thème des insectes. Notre collègue de cours préparatoire de Fabre d’Eglantine, Cécilia Besserer, s’y est associée en réalisant un panneau sur les insectes de la mare ; son projet « classe d’eau » était tout indiqué pour permettre à ses élèves de mener des observations riches conduisant à des productions d’écriture et de dessin tout à fait intéressantes.

Les insectes à l'école maternelle

Pourquoi sensibiliser les enfants aux insectes ? Tous les enseignants peuvent témoigner de la propension de leurs élèves à dédaigner, voire à maltraiter les insectes et il nous a semblé tout à fait approprié de changer cette attitude à l’heure où il est important de contribuer au respect de la biodiversité pour un avenir plus radieux !

Les insectes à l'école maternelle

Notre cour et son jardin étaient le lieu idéal pour commencer à découvrir le monde riche des insectes, leurs particularités et leur diversité, puis, plus tard, des balades en forêt sont venues pour élargir le champ de nos recherches. Des loupes ont été distribuées, des indications données pour que nos petits élèves ouvrent grands leurs yeux dans cette belle chasse au trésor.

Les insectes à l'école maternelle

Nous avons également mis en place un élevage de phasmes qui a permis aux enfants de voir en pratique le cycle de la vie. Il a fallu donner à manger et à boire à ces petites bêtes, nettoyer leur habitat. Que de responsabilités ! Ensuite, est venu le temps du travail de mise en forme des informations récoltées. Dessins et travail de lecture et d’écriture sont venus assoir ces nouvelles connaissances de nos petits élèves devenus soudain passionnés par toutes ces minuscules bêtes.

Les insectes à l'école maternelle

Une large part a été laissée au monde des abeilles, on connaît l’importance de leur contribution dans les équilibres biologiques de même, les attaques qu’elles subissent avec l’utilisation des pesticides. Un apiculteur a été invité pour parler de son activité ; il avait apporté ruche et cadres de cire et matériel de protection pour illustrer ses explications suivies avec beaucoup d’intérêt par tous, petits et grands. Puis est venue une dégustation de miel, bien entendu…

Les insectes à l'école maternelle

Enfin, une exposition des travaux a clôturé toutes ces activités, permettant de se rendre compte du travail effectué et réjouissant nos yeux des productions plastiques réalisées. Les jolies photos prêtées par l’Agrion de l’Oise sont venues les compléter.

Les insectes à l'école maternelle

Nous nous félicitons d’avoir mené ce travail qui a donné l’occasion aux enfants d’ouvrir leurs yeux sur un monde qu’ils dédaignaient ou qui leur faisait peur. Leur regard a changé, leur attitude d’un plus grand respect pour ce petit monde nous conforte dans notre mission de savoir et d’éducation que nous poursuivrons l’an prochain.

Dominique Lavalette* et Jean-Jacques Cary, enseignants de l’école Paul Langevin

L’Agrion de l’Oise félicite et remercie Dominique et Jean-Jacques de leur action en faveur de nos amis les insectes. Bravo !

A noter que ces enseignants font partie d'une groupe de collègues de Pont-Sainte-Maxence, Verneuil-en-Halatte et Creil qui travaillent en liaison avec l'Agrion de l'Oise sur des projets pédagogiques consacrés aux insectes.

* les photos sont de Dominique Lavalette

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Publié le 3 Juillet 2015

L’abeille est toujours notre insecte favori, d’autant plus qu’elle est menacée aujourd’hui par les pesticides, le varroa, le frelon asiatique, …que sais-je encore ? Pour vous en parler j’ai trouvé un savoureux texte sur cet insecte écrit au cours de la période révolutionnaire dans un journal destiné aux agriculteurs « La Feuille du Cultivateur », sous-titré « ou Journal des découvertes et des améliorations qui ont eu lieu en Franc et chez l’étranger dans toutes les parties de l’agriculture, de l’économie rurale et domestiques ». Un beau programme.

Le nez dans la rose ©Roger Puff

Le nez dans la rose ©Roger Puff

L’article est daté du 12 Brumaire An IX, à savoir le 3 novembre 1800. C’est le « Discours sur les Abeilles » prononcé le 30 Vendémiaire an VII, le 21 octobre 1798, par le citoyen Vallée à la 59ème séance publique du Lycée des Arts, société dont il était membre.

Des abeilles au Jardin-Egalité

Qui est le Citoyen Vallée ? On sait juste qu’il est membre du Bureau consultatif du Commerce, garde du Dépôt général des archives du Commerce. Ce dépôt général avait été envisagé dès 1777 par Necker, ministre de Louis XVI, mais il ne s’est constitué qu’à partir de 1791 au Ministère de l’Intérieur. Ancien archiviste du Bureau du Commerce supprimé par un décret de la Convention, Vallée le concrétisa, étant secrétaire du nouveau Bureau de Commerce créé par le Comité de Salut Public. Détail pittoresque, le secrétaire du Bureau supprimé se nommait Abeille.

Le Comité de Salut Public créa en effet par arrêté du 14 Germinal An III un dépôt d’archives commerciales ouvert au public, dont Vallée devint le conservateur. Le dépôt qui regroupait des archives jusqu’alors éparses, sera transféré en 1811 aux Archives de l’Empire, aujourd’hui les Archives nationales.

Quant au Lycée des Arts, il avait été fondé en 1795 par le colonel-ingénieur Charles Desaudray (Charles-Emmanuel Gaulard de Saudray 1740-1832), avec une subvention de la Convention, dans le cirque du Jardin Egalité construit en 1787 au Palais Royal (Palais-Egalité sous la Révolution). Il s’agissait d’encourager les arts utiles. On y proposait des cours publics gratuits pour propager les connaissances utiles. Parmi les enseignants on relève les noms de Boissy d’Anglas, Brogniard, Lakanal, Lamarck, Lavoisier, etc. des scientifiques, des artistes, des manufacturiers... Le Lycée brûla à peine deux mois après la séance où Vallée s’exprimait, le 25 frimaire an VII (15 décembre 1798). Desaudray reprit son activité rue Saint-Honoré. En 1800, il sera nommé directeur de l’Institut de l’Hôtel des Invalides par Bonaparte, Premier Consul.

A noter que dans la même séance du 30 Vendémiaire an VII, le citoyen Pipelet présentait un rapport sur un bras artificiel, le citoyen Régnier « une machine à broyer l’émery pour occuper les bras oisifs dans les prisons », le citoyen Hector Chaussier un nouvel instrument pour l’opération de la cataracte, tandis que Desaudray lui même proposait un essai en grand de la double échelle à incendie. J’en passe et des meilleures, le tout étant clôturé par un concert.

Jaune et violet ©Roger Puff

Jaune et violet ©Roger Puff

Mais revenons à l’exposé du Citoyen Vallée. Il débute ainsi :

« Rien n’est inutile dans la nature, et tout ce qu’elle produit a été conquis par le génie des hommes. Ils ont su s’approprier le travail des animaux, en dirigeant leur instinct laborieux, et ils en ont obtenu des choses utiles et agréables. L’animal qui, à pas lents, trace le sillon nourricier, et le coursier fougueux sur lequel le guerrier combat et triomphe, ont également plié leur tête sous le joug des hommes. L’habitant des airs et celui des eux concourent à satisfaire nos besoins et nos plaisirs. L’abeille même travaille pour nos jouissances ; l’abeille, surtout, admirable par son industrie, par son régime, par les lois qu’elle suit au milieu de ses nombreuses peuplades, nous fournit le miel et la cire, qu’elle tire des substances parfumées de toutes les fleurs. »

Suivent quatre pages denses, dont je vais vous donner quelques extraits. Vallée nous présente quatre espèces d’abeilles, puis les diverses abeilles de la ruche : la reine, les faux-bourdons qui la fécondent, les ouvrières. Il décrit comment les larves «nourries d’une bouillie particulière [… ] dont on ignore la composition » (c’est la gelée royale) peuvent devenir reines.

Des abeilles au Jardin-Egalité

Il nous fait part des découvertes de François Huber, un savant aveugle « aidé d’un domestique adroit et intelligent » sur la fécondation de la reine-abeille. Notons qu’il était aussi aidé par son épouse, Vallée n’en parle pas ; rendons hommage à celle-ci.

« Il a surpris à la nature les secrets de cette fécondité prodigieuse, et il s’est assuré que les reines-abeilles ne sont jamais fécondes par elles-mêmes (comme quelques uns l’ont pensé) ; quelles ne le deviennent qu’après leur accouplement avec les faux-bourdons, et que jamais cet accouplement n’a lieu dans la ruche, ni sur les arbres ou les fleurs qui les entourent, mais loin des yeux des hommes, et toujours dans les airs. »

François Huber est un naturaliste suisse (1750 Genève – 1831 Lausanne), considéré comme l’un des premiers observateurs scientifiques des abeilles, qui fera paraitre en 1802 ses Nouvelles Observations sur les abeilles. Vallée, en 1798, est donc bien au courant des travaux de ce savant, avant même la publication de 1802.

Mais Vallée ne reprend pas les détails de cet accouplement dont il dit pudiquement :

« Nous aurions voulu pouvoir décrire publiquement les savants et curieux détails de cette nouvelle découverte ; mais, s’ils sont faits pour charmer l’oreille du naturaliste, ils pourraient effaroucher celles moins accoutumées aux termes anatomiques, et colorer le front timide de l’innocence, en écoutant le récit de cet intéressant chef-d’œuvre. Il prouverait que ce feu divin qui embrase tout ce qui respire, est un sentiment que l’Etre suprême a créé pour le bonheur et l’utilité du monde, et que l’amour et la volupté sont les enfants du ciel et les dieux de la terre. »

Suivent plus succinctement les descriptions de la métamorphose de la larve royale (que Réaumur s'obstinait à appeler ver) en 16 jours à l’état de reine parfaite, celle de l’ouvrière et celle du faux bourdon.

Vallée nous dit encore :

« On n’est pas parvenu à connaître exactement la durée de vie des abeilles, mais on présume qu’elles existent plusieurs années. Elles semblent s’endormir l’hiver ; la nature assoupie languit alors sous les frimas, et tous ses enfants se reposent. »

Et vient le printemps :

« Mais aux premiers jours du printemps, à l’instant où les rayons du soleil percent à travers les brouillards qu’ils dissipent, la terre s’échauffe, la feuille s’échappe du bourgeon qui la recèle, les oiseaux chantent le retour du plaisir, et la volupté se réveille pour rappeler à l’amour tous les enfants de la nature. Alors l’abeille sort de sa ruche, et va chercher la fleur prête à éclore ; elle reprend ses travaux. »

Quelle poésie chez ce révolutionnaire archiviste, quel amour de la vie…

Blanc et rose ©Roger Puff

Blanc et rose ©Roger Puff

Vallée poursuit avec l’essaimage de la vieille reine, la fécondation des reines vierges qui « reviennent avec les signes extérieurs de la fécondité, et c’est alors pour elles les soins et les respects des habitants de la nouvelle ruche… »

Puis Vallée décrit ce qui se passe lorsque deux reines veulent diriger la même ruche, leur combat corps à corps jusqu’à la mort de l’une d’elle. Les abeilles, « vigilantes sentinelles », à la porte de la ruche, examinent tous les individus qui se présentent et si c’est une reine étrangère, « enferment l’indiscrète reine dans un cercle si étroit, si épais, que souvent elle meurt étouffée sans avoir reçu un coup d’aiguillon. »

Le frivole papillon ©Roger Puff

Le frivole papillon ©Roger Puff

Puis voilà le travail des ouvrières :

« Le printemps et l’automne, après le lever du soleil et avant son coucher ; et dans l’été une heure avant le jour et jusqu’à l’entrée de la nuit, et tandis que le frivole papillon fatigue sans dessein la rose qu’il caresse un instant, la laborieuse abeille se pose sur le thym fleuri, et pompe légèrement son parfum, qu’elle porte à sa ruche, dont elle ressort à l’instant pour voler en recueillir encore. »

C’est à partir des fleurs que l’abeille va produire le miel qui « sert aux besoins de l’homme et s’emploie utilement dans les remèdes que son intempérance lui rend trop souvent nécessaires» et la cire qui « sert bientôt à éclairer nos plaisirs : c’est à elle que la femme jolie doit la lumière douce qui vient éclairer ses charmes, et nous fait apercevoir des attraits que la modestie cachait autrefois pour doubler nos plaisirs, et que la mode découvre aujourd’hui pour diminuer nos jouissances. »

Notre archiviste devait aimer les femmes…

Vallée n’en a pas fini. Il va s’employer à motiver l’habitant des campagnes pour « trouver un assez grand profit dans l’éducation des abeilles… ». Il s’emploie à décrire différents types de ruches, celles de Paletau, de della Rocca, celle à feuillets de Huber… mais il considère que celle « en bois, dont la forme est conique, semblable à une baratte à battre le beurre… » convient le mieux aux simples cultivateurs. Elle est décrite en détails. Puis vient l’acquisition en Floréal ou Prairial d’un jeune essaim, si possible « dont les abeilles sont petites, d’un jaune-aurore, luisantes, vives et alertes » et de « vingt-huit hectogrammes ».

extrait de Notice sur la ruche à espacements et sa culture de Charles Sauria édité chez Frédéric Gauthier 1845

extrait de Notice sur la ruche à espacements et sa culture de Charles Sauria édité chez Frédéric Gauthier 1845

Bien sûr il faut veiller à la bonne santé de la ruche, « dont il faut écarter soigneusement les souris, les lézards, les crapauds, les araignées, les fourmis et tous les ennemis des abeilles ». La maladie la plus commune est alors la dysenterie que l’on guérit facilement « avec un sirop composé de jus de poire, de miel et de vin blanc, bouilli avec un peu de sel marin. »

Pas de frelon asiatique, pas de varroa, pas de néocotinoïdes. Ah ! La belle époque…

Positionnement de la ruche pour recevoir les rayons du soleil et se prémunir du vent du Nord, puis description des soins de Vendémiaire pour préparer l’hiver, précautions à prendre en Brumaire, Frimaire, Nivôse et Pluviôse, sortie des ruches en Ventôse et Germinal pour « leur donner quelques fumigations de propolis et de bouse de vache, pour prévenir les maladies qui font quelquefois de grands ravages au commencement du printemps . » En Floréal, l’essaimage et la capture de l’essaim si possible sur l’arbre le plus proche.

A la fin de Prairial, les ruches ont produit et il faut placer un nouveau chapiteau sur la ruche et l’abeille qui a été enfumée va reprendre son vol « sur les champs émaillés de fleurs, et à pomper dans leurs calices odorants, et la cire, et le miel. »

En Messidor on peut accoupler deux ruches. En Thermidor, il faut faire la guerre aux ennemis des abeilles « c’est dans ce mois qu’abondent guêpes, bourdons, abeilles pillardes, qui cherchent à vivre sans travailler, aux dépens des ruches ; il faut les détruire : le lâche, le paresseux, l’égoïste insouciant qui veut vivre sans concourir à faire vivre les autres, ne doit pas entrer dans le temple de l’industrie. »

En Fructidor, dernier mois de l’année au calendrier républicain, on pourra déplacer les ruches.

Et Vallée de conseiller la lecture des bons auteurs en commençant par Pline et Virgile pour finir par Paletau et Huber, en passant par Réaumur et Buffon. Et il y a même une dame :

« La Citoyenne Barras vient d’y ajouter encore, dans un mémoire fait avec ce goût qui caractérise le style d’un sexe aimable, dont les grâces, quand il écrit, semble toujours tailler la plume. »

Ce n’est pas l’épouse de Barras, qui vota la mort de Louis XVI et fut un des Directeurs sous le Directoire, … ? Celui-ci aimait les femmes belles et spirituelles, mais son épouse légitime épousée en 1791 n’aurait pas quitté Fox-Amphous en Provence. La Citoyenne Barras est – c’est le dictionnaire Fortunée Briquet de 1804 qui nous l’apprend - Marie-Thérèse Quiqueran Beaujeu, Dame Barras, née à Salon de Provence en 1753, également membre du Lycée des Arts. Vallée se référait à son Mémoire sur l'Éducation des Abeilles, qu'elle avait fait paraitre « chez J.-J. Fuchs, libraire, rue des Mathurins, au ci-devant hôtel de Cluny, et chez tous les Marchands de nouveautés. An VIII de la Rép. Fr. »

Le dictionnaire nous dit que « ce mémoire est absolument élémentaire. Il est écrit avec précision. On regrette seulement que le style n'en soit pas plus soigné. ». Notre aimable Vallée aurait-il été outrageusement flatteur vis-à-vis de la dame ?

vu à Strasbourg ©Roger Puff

vu à Strasbourg ©Roger Puff

Mais revenons à son texte. Je ne peux pas ne pas citer ce beau paragraphe évoquant l'Eden ou l'Arcadie :

« Dans l’enfance du monde, et lorsque le luxe, en inventant les jouissances factices, n’avait pas encore multiplié les besoins des hommes, les peuples pasteurs vivaient de lait et de miel, alors l’abeille, errante, fixait ses rayons sucrés dans les troncs d’arbres, et près des fleurs humectées par les ruisseaux paisibles ; le berger couronnait de roses le gâteau qu’il arrachait à l’arbre protecteur, le portait à sa tendre amie. Heureux temps ! Vous avez fui à mesure que les hommes ont connu les passions nées au sein des cités ; mais nous pouvons encore trouver dans le miel et la cire, des ressources précieuses pour l’humanité. »

Et Vallée de conclure son discours par ces propos :

« On ne saurait donc trop encourager l’éducation des abeilles ; ce soin est un plaisir, ami de l’innocence et de la tranquillité. La jeunesse peut s’en occuper, et la vieillesse se reposer de ses travaux, en s’en occupant encore ».

Alors c'est décidé, vous vous lancez dans l'apiculture ?

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