Larve de Pyrochroa coccinea ©Joël Tribhout
Notre ami Joël Tribhout nous conte une belle histoire à propos du Pyrochre écarlate, Pyrochroa coccinea, Linn. 1761, autrement dit le Cardinal.
Ecoutons-le :
"Quoi de plus beau que de découvrir le monde des insectes de leur naissance jusqu’à l’âge adulte. C’est cette expérience que je voulais vous faire vivre.
Jean-Henri Fabre, célèbre entomologiste (1823 – 1915), m’a beaucoup influencé après la lecture de ses Souvenirs entomologiques. Depuis 10 ans, je ne cesse de découvrir ce monde fascinant.
Au début, je voulais photographier ces petites bêtes pour leur beauté et la variété de leurs couleurs. Je me suis très vite rendu compte de la difficulté à les approcher. Difficulté décuplée car je travaillais avec un compact équipé d’une mise au point minimale à 1 cm. Ce parti pris je voulais le maîtriser. Observation, patience et approche en douceur ont été les trois points essentiels pour obtenir les meilleurs résultats. Quand j’étais au plus proche de l’insecte et que celui-ci se figeait devant l’objectif, j’éprouvais une immense excitation. J’avais l’impression qu’il était comme hypnotisé, voire en confiance.
Si, aujourd’hui, je continue de photographier les insectes dans une démarche d’exposition pour montrer au public un monde qui leur est souvent inconnu, fragile, voire inquiétant, je souhaitais découvrir, pour certaines espèces et au fil de mes balades, leur habitat et leur vie de la naissance à l’imago (adulte).
Savoir qu’à telle période du printemps ou de l’été je vais assister à l’émergence d’une libellule, à la mue nymphale ou nymphose d’une larve de coléoptère est un moment unique. Cette étape permet de mieux comprendre et de respecter ce monde aujourd’hui menacé et qui est indispensable pour l’équilibre de notre planète.
On sait que la vie des insectes peut commencer de différentes façons et dans divers lieux. J’ai choisi celle qui débute au sein d’un arbre mort ou d’un tronc au bois bien mûr couché sur le sol et qui abrite nombre de variétés affectionnant ce milieu, tels certains coléoptères mais également des hyménoptères et autres petites bêtes.
C’est dans une forêt de feuillus que je trouve mon bonheur. "
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Pré-nymphose d'une larve de Pyrochroa coccinea ©Joël Tribhout
En soulevant l’écorce légèrement décollée, une larve de Pyrochroa coccinea (Pyrochre écarlate ou Cardinal), tortille, sous mes yeux, les 35 mm d’un corps et d’une tête aplatis. Elle a besoin d’une humidité importante. Carnassière, je remarque ses puissantes mandibules prêtes à croquer une larve d’insecte xylophage (qui se nourrit de bois), escargot ou autres. Sa vie larvaire durera deux ans.
La larve construira ensuite une petite loge circulaire pour se préparer à la nymphose.
Nymphose d'une larve de Pyrochroa coccinea ©Joël Tribhout
Chez bon nombre d’insectes cette phase de l’œuf à l’adulte est appelée « holométabole » car la larve ne ressemble pas aux adultes.
Sur un autre tronc, je renouvelle l’expérience en décollant doucement l’écorce et me voici en présence de plusieurs logettes où je peux observer des larves en pré-nymphose mais également de jeunes nymphes. Ma curiosité est récompensée.
Nymphe de Pyrochroa coccinea dans sa logette ©Joël Tribhout
Nymphe de Pyrochroa coccinea retournée ©Joël Tribhout
Ce sont ces dernières qui suscitent mon attention, car la transformation de l’état de nymphe à celle d’adulte, qu’on appelle mue imaginale, va durer 2h.
Si je suis, comme dit l’expression « aux anges », la position accroupie va devenir très inconfortable mais l’instant est magique.
La nymphe en position ventrale me fait découvrir ses yeux, ses antennes, son appareil buccal, ses six pattes, ses élytres cachant deux ailes. La métamorphose se fait à vue d’œil. J’en profite pour alterner photos et vidéos.
La mue de Pyrochroa coccinea ©Joël Tribhout
mue de Pyrochroa coccinea sur le dos ©Joël Tribhout
Puis la pigmentation arrive à son terme. La nymphe mue une dernière fois pour donner vie à l’insecte. Lentement, ce dernier se débarrasse de son enveloppe appelée l’exuvie (cuticule chitineuse ou peau), avec beaucoup de difficulté pour terminer par la tête et les antennes. Celles-ci seront en dents de peigne pour le mâle et en dents de scie pour la femelle.
Pyrochroa coccinea après la mue ©Joël Tribhout
Pyrochroa coccinea séchant ses ailes et élytres ©Joël Tribhout
Ses ailes transparentes dans un premier temps dépassent des élytres pour sécher. Puis il nettoie ses élytres avec deux paires de pattes avant que son abdomen et ses deux ailes passent de la couleur jaune à noire.
Imago de Pyrochre écarlate et nymphe ©Joël Tribhout
Il faut attendre 3 jours avant que le Pyrochre obtienne sa couleur définitive, soit rouge vif ou orange-brun, d’où son autre nom de Cardinal.
L'envol du Cardinal ©Joël Tribhout
Sa taille est comprise entre 14 et 20mm. C’est seulement au bout de 8 jours que le Pyrochre écarlate devient mature et qu’il s’envole vers sa nouvelle vie pour se nourrir de pollen et de nectar."
Joël Tribhout
Et bien sûr se reproduire pour poursuivre le cycle de la vie.