Publié le 28 Juillet 2022
Au fond du jardin dans une plate-bande, il y a un plan de panicaut, un seul avec une douzaine d'inflorescences. C'est Eryngium planum, le Panicaut à feuilles planes, une plante vivace d'une belle couleur bleue. On l'appelle communément le chardon bleu. D'après la littérature botanique il n'aurait pas d'odeur mais serait mellifère. Je confirme : c'est un spot très apprécié des insectes. Voici les photos que j'ai faites début juillet.
Voilà le premier à entrer en scène : un Lepture fauve, Paracorymbia fulva. Cet insecte est un Cérambycidé aux élytres unis, d’un brun beige assez clair, noirs aux extrémités. On le trouve souvent sur les fleurs, ombellifères et composées. Il se distingue du Lepture rouge que nous avons vu à la Vallée Monnet par l'extrémité noire de ses élytres. De plus mâle et femelle ont le pronotum de couleur noire. Ici pas de dimorphisme.
Voilà une abeille mellifère qui prend la suite. C'est Apis mellifera. Elle est venue d'une ruche voisine. Peut-être à 2 ou 3 kilomètres du jardin. Elle trouve ici un peu de pollen et de nectar qu'elle va rapporter à la ruche.
Est-ce une femelle d'Oedemere noble, Oedemera nobilis, ou un autre insecte de la famille des Oedemeridae, Chrysanthia geniculata ou pourquoi pas Chrysanthia viridissima ? Honnêtement je sèche... Entre les trois mon cœur balance. Mais voyez plus loin pour les Oedemères, cela se corse.
Voici une guêpe de belle taille (jusqu'à 25 mm). C'est l'Isodonte mexicaine, Isodonta mexicana (Isodonta signifie "à dents égales"). Elle n'a pas de sombrero mais a bien été importée d'Amérique du Nord dans les années 60's. Cet hyménoptère est une espèce de Sphex. Il est spécialisé dans la capture des Orthoptères. On peut l'observer transporter des petites sauterelles ou des grillons paralysés jusqu’à son nid. La ponte a lieu sur la proie paralysée qui nourrira la larve de protéines bien fraiches. Il y en a qui font leur nid dans les hôtels à insectes, nous l'avons observé. Ils coupent aussi des brins de feuilles pour garnir le nid pour le confort de leur larve, d'où le nom anglais grass-carrying wasp. Le nid est ensuite bouché par de la terre et la larve après éclosion en sortira l'année suivante.
Autre hyménoptère, une abeille sauvage du groupe des bourdons, le Bourdon des arbres, Bombus hypnorum. Il fait son nid dans les troncs d'arbres mais aussi dans des nichoirs à oiseaux ou dans des cavités des habitations. Ce serait l'un des rares bourdons à se montrer agressif si l'on s'approche du trou d'envol. Il n'a pas été le seul bourdon à visiter nos fleurs de panicaut.
Surprise, je n'avais pas encore vu cet insecte a fortiori photographié. C'est un Lépidoptère, la Sésie de l'oseille, Bembecia chrysidiformis, un Hétérocère ("papillon de nuit") à activité diurne. Le genre Bembecia regroupe des papillons à ailes semi-transparentes de la famille des Sesiidae. Chrysidiformis signifie "qui a la forme d'une Chrysis" (ce sont les guêpes coucou). La chenille vit dans les racines des oseilles. L'imago se fait passer pour un Hyménoptère par son allure de vol et son bourdonnement.
En voilà justement une de "Chrysis". C'est a priori Hedychrum rutilans à moins que ce soit Chrisis ignita. Ce sont des Hyménoptères que l'on appelle "guêpes-coucou". Elles se nourrissent de nectar et de pollen et pondent leurs œufs dans les nids des abeilles solitaires. Un bel insecte aux couleurs rutilantes.
Autre Isodonte mexicaine, je ne résiste pas à vous imposer ce doublon.
Autre parasitoïde, voici un Cerceris, peut-être Cerceris rybyensis, à moins que ce soit le Cerceris des sables, Cerceris arenaria. Ces hyménoptères capturent et paralysent des abeilles solitaires qu'elle introduisent dans leurs nids souterrains pour y pondre leurs œufs. Ce sera la nourriture des larves. Plus de 1000 espèces de Cerceris ont été décrites.
Question étymologie, Cerceris serait le nom latin d'un oiseau indéterminé ; rybyensis viendrait de Rybyr la ville de Suède où Carl von Linné a collecté de nombreuses plantes et insectes ; arenaria signifie "du sable" (les arènes étaient recouverte de sable).
Ici c'est une petite abeille sauvage du genre Colletidae, les Colletes. Ce sont des abeilles à langue courte, qui ne peuvent donc prélever que du nectar facile d'accès. Elles creusent leur nid dans le sol. On les appelle abeilles plâtrières. Celle-ci pourrait être l'Hylée rougeâtre, Hylaeus variegatus. Il existe en Europe près de 80 espèces d'Hylées.
Deux autres abeilles sauvage. A gauche, une Halicte, probablement l'Halicte de la scabieuse, Halictus scabiosae. C'est une abeille à longue langue pour butiner des fleurs dont la corolle est profonde. Elle fait sont nid dans le sol et y met des boulettes de pollen pour nourrir ses larves.
A droite une autre espèce d'Hylée, l'Hylée de l'ail, Hylaeus punctulassimus. L'abeille est noire avec sur sa tête comme une couronne blanche. Langue très courte comme toutes les Colletes, on l'a vu plus haut. Donc sur la même sommité florale de panicaut on trouve des abeilles sauvages à langue courte et à langue longue. Ces fleurs satisferaient donc tout le monde. Surprenant.
Autre famille pour cette abeille qui est une espèce d'Andrène, Andrena sp.. Encore un espèce à langue courte. Elle niche dans des terriers assez profonds. Est-ce Andrena cineraria, l'Andrene des sables, ou A. vaga, l'Andrène vagabonde ? Pas facile à dire.
Autre espèce de Sphex, l'Ammophile des sables, Ammophila sabulosa. Cette espèce capture des chenilles qu'elle paralyse et traine au sol si elles sont grosses ou qu'elle emporte en vol. Elle introduit ses proies dans son nid souterrain là encore pour servir de nourriture à ses larves.
Et oui, cela se corse pour les Oedemères. C'est ici un Oedemère nettement plus petit que l'Oedemère noble. Serait-ce Oedemera lurida ? La littérature me dit que je peux confondre entre O. virescens (6,5 à 12mm) et O.lurida (5 à 8mm) ou entre les deux, O. monticola.
Je trouve souvent ces toutes petites sauterelles au jardin. Elles sont souvent sur les pavots secs perchées sur les capsules. Ici en voilà une sur le panicaut. Cette mini sauterelle pleine de taches noires sur sa livrée verte pourrait bien être un juvénile de Phanéroptère commun, Phaneroptera falcata. Le verrai-je adulte ? Il aura bien changé.
Une belle mouche verte cela ne gâche pas le paysage. C'est une espèce de Lucille, Lucilia sp. Ce sont des mouches saprophages et nécrophages. Il y a en de nombreuses espèces. Ce spécimen pourrait être Lucilia caesar, l'archétype du genre, mais comme le genre compte 9 espèces en Europe (et des centaines au monde), je me garde de me prononcer.
Des Oedemeridae en pleine action. Nous n'en dirons pas plus... Soyons discrets.
Je terminerai ce panorama de la faune du plan de panicaut de mon jardin par une dernière photo. Une araignée, la Thomise variable, Misumena vatia, s'est installée sur ce spot propice à la chasse et y capture ses proies. Là elle se délecte d'une malheureuse abeille.
Il y a bien du monde sur un plan de panicaut. Et encore, vous n'avez pas tout vu.
Toutes les remarques quant à l'identification de ces insectes "panicauphiles" seront les bienvenues.