Publié le 26 Avril 2014
Les insectes, tels le moustique, sont susceptibles de transmettre de graves maladies virales aux humains comme la fièvre jaune, la dengue, etc. Mais eux aussi, surtout les lépidoptères (les papillons), sont les victimes de virus, comme on va le voir.
Les maladies ravageaient les élevages de vers à soie, les sériciculteurs étaient menacés de faillite, quand Louis Pasteur fut appelé en 1865 pour étudier les causes de cette crise. Ses études – je passe sur les détails et les controverses, mirent en évidence la pébrine, maladie éminemment contagieuse causée par un champignon, en fait une maladie microbienne, qu’il réussit à enrayer par sélection des chrysalides. Une autre maladie, la flacherie, causée par l’ingestion de feuilles de mûrier infectées, lui tint tête et il le reconnu en 1878, mais en soutenant que les sériciculteurs n’avaient pas suivi ses conseils. En fait cette maladie existe sous plusieurs formes, dont une virale. Trois virus sont en cause. Seuls ou associés à une infection bactérienne, ils détruisent les intestins du vers à soie.
Parmi les causes de la mortalité des abeilles domestique, figure un acarien parasite, le Varroa, qui est le vecteur d’un virus qui serait impliqué dans l’effondrement des colonies.
Tout d’abord il me faut rappeler que les virus sont des organismes pathogènes (qui provoquent une maladie), ultramicroscopiques (moins de 250 nanomètres, mais on admet aujourd’hui qu’il y en a des virus géants, les pandoravirus, allant jusqu’à 1000 nm, soit un micron). Ils sont constitués d’une enveloppe protectrice (capsule) de nature protéinique ou lipoprotéinique contenant un seul type d’acide nucléique soit ADN (acide désoxyribonucléïque) soit ARN (acide ribonucléique). Une fois à l’intérieur d’une cellule de leur hôte spécifique (humain ou animal), ils vont pouvoir dérégler le fonctionnement de cette cellule et notamment l’utiliser pour se répliquer, c’est à dire faire des copies d’eux-mêmes. Ce sont des parasites cellulaires obligatoires, qui sont obligés d’utiliser la machine cellulaire pour se multiplier. Ils ne sont en principe pas considérés comme des organismes vivants, mais le débat est ouvert.
Mais revenons aux virus chez les insectes, les entomovirus. Il en existerait environ 1600 espèces, enfin connues à ce jour, isolées sur 1100 espèces d’insectes ou d’acariens. Chez les insectes, la transmission des virus se fait, comme on l’a vu pour le ver à soie, essentiellement par ingestion de nourriture contaminée. Les entomovirus sont largement disséminés dans la nature. Pour assurer leur transmission, les virus agissent soit en très grand nombre dans un organisme (cas des iridovirus), soit contenus dans des matrices très résistantes (des macromolécules d’acides aminés liés entre elles par des liaisons peptidiques). Cela se complique, je vais essayer de rester simple…
Pour ce dernier type, on distingue 3 familles les entomopoxvirus, les cupovirus et les baculovirus. Ce sont ces derniers qui nous intéressent. Nous ne parlerons pas des autres, c’est déjà bien compliqué comme cela.
Les baculovirus (gros virus en forme de bâtonnet de 350 nm de long et de 50 nm de diamètre) ne se trouvent que chez les arthropodes, surtout chez les insectes, mais aussi chez certains crustacés (crevettes notamment). Ils peuvent infecter plus de 600 espèces d’insectes comme les larves de mites, de symphytes ou de moustiques. Ils ne sont pathogènes que pour les insectes (entomopathogène), donc inoffensifs pour les vertébrés, donc pour les humains. Ils sont aussi particulièrement intéressants pour nous parce que ce sont les seuls virus à ADN de taille suffisamment grande pour qu’on puisse y introduire de très grands fragments d’ADN étranger.
On comprend que si on maîtrise les baculovirus, il va être possible de les utiliser pour la lutte biologique contre certaines espèces nuisibles, notamment celles qui ravagent les cultures, ce qui va permettre d’éviter l’utilisation de pesticides chimiques. On utilise aujourd’hui – surtout dans les pays du Sud - plusieurs préparations à base de virus pathogènes, qui assurent la destruction de chenilles de papillons.
Mais une autre application des baculovirus, mise en œuvre depuis les années 1980, est particulièrement utile en médecine humaine ou vétérinaire. Il s’agit de la production de protéines recombinantes, identiques aux protéines naturelles. Pour ce faire on remplace le gène codant d’une protéine de virus par le gène d’une protéine étrangère. Ces protéines recombinantes vont non seulement pouvoir être utilisées pour le diagnostic de maladies humaines ou animales, mais être utilisées en thérapie. On va pouvoir notamment produire, par exemple, des anticorps et des vaccins. Un vaccin antigrippe ainsi produit – FluBlok mis au point aux Etats-Unis - a été testé avec succès sur l’homme, les résultats ayant été publiés en 2007 et l’autorisation de mise sur le marché a été délivrée aux Etats-Unis en 2013. Ce type de production sur cellules d’insectes est plus rapide – environ 2 mois - que celui par incubation en œufs fécondés de poules qui nécessite 4 mois à partir de l’identification du virus à combattre. Cela permet de réagir plus rapidement à l’épidémie annuelle de grippe (où de nouvelles souches de virus apparaissent chaque année) ou à une pandémie. Pour mémoire la pandémie de grippe de 1918 ou « grippe espagnole », due à une souche particulièrement virulente et contagieuse de grippe (le virus H1N1), aurait– selon des évaluations récentes – fait jusqu’à 100 millions de morts.
Donc pour produire ces virus bénéfiques à partir des baculovirus, vous avez bien compris : on n’élève pas des insectes à qui on ferait ingérer des aliments infectés par des virus. On utilise des cultures de cellules d’insectes en milieu nutritif dans des réacteurs de plusieurs centaines de litres à paramètres physico-chimiques (température, pression, CO2, …) contrôlés. La protéine recombinante est ainsi produite en grande quantité et purifiée avant utilisation chez l’homme. Les insectes qui fournissent leurs cellules les plus utilisés sont celles de deux lépidoptères : Autographa californica (famille des Noctuidae) et Bombyx mori (bombyx du ver à soie, famille des Bombycidae).
Le développement est très rapide. Je passe sur les détails de la technologie, les phases de culture et de purification. Ce type de production reste encore coûteux.
Voilà désolé, ce n’est pas simple et je ne suis pas sûr - moi - d’avoir tout compris, loin de là. Sachez donc que les maladies virales des insectes peuvent être pour l’homme un bienfait, que ce soit en lutte biologique pour éviter l’emploi de pesticides chimiques, ou en médecine pour produire des vaccins, diagnostiquer ou traiter des maladies.
Merci les insectes.