Publié le 25 Janvier 2015

2015 : Année du centenaire de la disparition du grand entomologiste Jean-Henri Fabre (1823-1915), il fallait le célébrer, L’Agrion de l’Oise va s’y employer toute l’année.

Et pour débuter une belle exposition au Musée Serge Ramond, Musée de la Mémoire des Murs, à Verneuil-en-Halatte du 7 février au 1er mars.

"Lumières d'insectes" - notre première grande manifestation 2015

"Lumières d’insectes", l’exposition présentée au Musée de la Mémoire des Murs avec le soutien de l’ASPAG (Association de Sauvegarde du Patrimoine Archéologique et Glyptographique), de la Municipalité de Verneuil-en-Halatte et de la Communauté de Communes Pays d'Oise et Halatte, bénéficie du Label

"2015 Année de la Lumière en France".

Vous pourrez y découvrir :

  • La collection de luminaires bioinspirés par l’anatomie des insectes, réalisés par les étudiants en design industriel du Pr Hilke Vervaeke à l’Ecole Supérieure des Arts de l’Institut Saint-Luc à Liège, présentée pour la 1ère fois en mai 2014 à Insectopolis, le Festival de l’Insecte, la grande manifestation entomologique belge à Gembloux dans le cadre de la Faculté d’agronomie Agro Bio Tech de l’Université de Liège.
  • des boites d’insectes naturalisés, certaines de plus de 150 ans, de la collection historique et pédagogique de l’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais, la grande école d’ingénieurs agronomes et environnementalistes de l’Oise, adhérente de notre association.
  • Les macro-photos d’insectes sélectionnées par le jury de la 1ère édition 2014 du concours "Insectes de France" proposé par l’Agrion de l’Oise, réservé aux photographes amateurs. Ces photos sont complétées par quelques œuvres "hors concours" de photographes vernoliens et de Stéphane Losacco, un photographe isarien partageant avec nous la belle appellation "Lumières d’insectes", qu’il avait utilisée en 2013 pour une exposition au Parc du Marquenterre en Baie de Somme.

La 2ème édition de notre concours photos "Insectes de France 2015" sera lancée le 1er avril prochain. Nous espérons de nombreux candidats, avec nous le souhaitons vivement des jeunes de moins de 15 ans, et bien sûr à nouveau de superbes photos.

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Publié le 21 Janvier 2015

Lorsque notre projet d’insectarium a été lancé en 2007 au niveau du pays Sud de l’Oise, j’ai voulu en savoir plus sur les insectariums en France et dans le monde. Ma première visite a été pour l’insectarium de Montréal bien sûr avec son rayonnement mondial et ses près de 450000 visiteurs par an. L’année suivante je suis allé voir Micropolis, construit à proximité de la maison natale de Jean-Henri Fabre et l’année suivante je suis allé visiter l’Harmas à Lésignan, la maison où il a passé la fin de sa vie et où il est mort.

Viaduc de Millau et panneau Micropolis Cité des Insectes ©RogerPuff

Viaduc de Millau et panneau Micropolis Cité des Insectes ©RogerPuff

Il n’est pas dans mes intentions de faire ici la biographie de Jean-Henri Fabre, d’autres s’en chargeront sans doute cette année, notamment le Muséum national d’Histoire naturelle, car c’est l’année du centenaire de sa mort en 1915.

Si vous descendez vers le Languedoc-Roussillon, en empruntant l’autoroute A75, après avoir traversé le Massif Central, vous arrivez à quelques kilomètres au nord de Millau et de son viaduc à une sortie qui vous mène à Micropolis. Ceci dit, nous on remontait vers Paris venant de Montpellier et c’était notre premier passage du viaduc. Profitez de la visite de ce beau musée vivant et promenez vous sur le chemin ludique juste au-dessus, chemin aménagé pour que les enfants puissent se dépenser avant de reprendre la route.

Vue de Micropolis.©RogerPuff

Vue de Micropolis.©RogerPuff

De là vous pourrez voir la maison natale de Fabre sur l’autre flanc de la vallée. Une lunette permet même de l’approcher. Ensuite il suffit de suivre les panneaux puis peintes directement sur le chemin, de bien sympathiques fourmis…

Maison natale de Jena-Henri-Fabre ©RogerPuff

Maison natale de Jena-Henri-Fabre ©RogerPuff

Vous arriverez à la maison où Jean-Henri Fabre est né le 21 décembre 1823 et où, après avoir été élevé par ses grands-parents maternels dans une ferme un peu plus loin, il est revenu âgé de sept ans. C’est à Saint-Léons du Lévézou, une modeste maison, qui aujourd’hui se visite. En fait c’est un petit insectarium. Une jeune femme nous a fait découvrir la maison au mobilier campagnard, à la grande cheminée et au plafond à poutres apparentes.

Ouvrages écrits par Jean-Henri Fabre ©RogerPuff

Ouvrages écrits par Jean-Henri Fabre ©RogerPuff

Quelques boites de collection d’insectes épinglés. Quelques ouvrages dont un traité de Chimie agricole et une édition des Souvenirs entomologiques en japonais. Et oui les enfants japonais apprennent paraît-il le français dans les textes de notre entomologistes, peut-être plus connu au pays de Madame Butterfly qu’en France. Au fait Loti honorait-il Fabre en nommant ainsi son héroïne que Puccini mit en musique ?

Jardin et vue sur l'Insectarium Micropolis ©RogerPuff

Jardin et vue sur l'Insectarium Micropolis ©RogerPuff

Un petit jardin où une statue en pied de l’entomologiste regarde en face l’impressionnant bâtiment de Micropolis.. Dans le jardin un hôtel à osmies, ces abeilles sauvages solitaires si utiles à la pollinisation. Une petite maison toute simple. C’est là que Jean-Henri Fabre s’éveillera aux merveilles de la nature, observant les bêtes de la ferme d’abord, puis les insectes, qui le passionneront sa vie durant.

A dix ans, à une époque où on ne voyageait guère, la famille doit aller chercher du travail ailleurs. Rodez, Aurillac, Toulouse, Montpellier, Avignon … où il entre avant à l’Ecole normale d’instituteurs à dix-sept ans.

L’autodidacte va devenir un scientifique. A vingt cinq ans après avoir acquis le bac littéraire et le bac en mathématiques, il est titulaire d’une licence de sciences mathématiques et d’une de sciences physiques… Professeur de sciences physiques à Ajaccio, il se passionne toujours pour la nature. Il sera enseignant-chercheur à trente ans de retour à Avignon. A la guerre de 1870, il quitte l’enseignement et se retire à Orange pour écrire des ouvrages pour l’enseignement dans pratiquement toutes les matières et des ouvrages de vulgarisation, tout en poursuivant ses études personnelles sur les insectes.

En 1979, grâce à l’argent gagné avec ses ouvrages, il achète à 8 km d’Orange, à Sérignan-du-Comtat, une propriété qu’il baptise L'Harmas. Ce sera sa dernière demeure et son laboratoire.

C’est là qu’il meurt le 11 octobre 1915.

Et c’est cette belle propriété, qui aujourd’hui appartient au Muséum national d’Histoire naturelle, que je suis allé visiter l’année suivante, en 2009, alors que les études de faisabilité de l’insectarium étaient engagées.

L'Harmas ©RogerPuff

L'Harmas ©RogerPuff

Une belle bâtisse au sein d’un grand jardin clos de murs.

Les pièces de travail de Fabre avec de grandes vitrines pour ses collections, son tout petit bureau, qui le suivait depuis longtemps dans ses multiples demeures, et où il a écrit tous ses ouvrages et consignés toutes ses observations.

On ne photographie pas à l’intérieur… dommage. Ceci dit depuis 2009, cela a peut être changé.

Dans le jardin L'Harmas ©RogerPuff

Dans le jardin L'Harmas ©RogerPuff

Mais la merveille, enfin pour moi, c’est le jardin avec son grand bassin. Un paradis pour les insectes.

Ces quelques photos prises ce jour-là en l’hommage du grand entomologiste.

Vanesse du chardon ou Vanesse des chardons (Cynthia cardui ou Vanessa cardui), appelée Belle-Dame ©RogerPuff

Vanesse du chardon ou Vanesse des chardons (Cynthia cardui ou Vanessa cardui), appelée Belle-Dame ©RogerPuff

Pièride de la rave ( Pieris rapae) ©RogerPuff

Pièride de la rave ( Pieris rapae) ©RogerPuff

Je n’ai pas photographié de grand paon, mais je voudrais vous donner à son sujet, un extrait d’un texte de Fabre, pour vous en faire apprécier la clarté du style.

Ce fut une soirée mémorable. Je l'appellerai la soirée du Grand-Paon. Qui ne connaît ce superbe papillon, le plus gros de l'Europe, vêtu de velours marron et cravaté de fourrure blanche ? Les ailes, semées de gris et de brun, traversées d'un zigzag pâle et bordées de blanc enfumé, ont au centre une tache ronde, un grand oeil à prunelle noire et iris varié, où se groupent, en arcs, le noir, le blanc, le châtain, le rouge amarante.

Souvenirs entomologiques, Série VII, Chapitre 23 "Le Grand Paon"

Abeille mellifère, oui mais quelle espèce ? ©RogerPuff

Abeille mellifère, oui mais quelle espèce ? ©RogerPuff

J’avoue mon incompétence. Quel est ce bel hyménoptère ?  ©RogerPuff

J’avoue mon incompétence. Quel est ce bel hyménoptère ? ©RogerPuff

Et à propos des hyménoptères un autre extrait :

Expérimentons maintenant le Chalicodome des murailles sous un autre point de vue psychologique. — Voici une Abeille maçonne qui construit ; elle en est à la première assise de sa cellule. Je lui donne en échange une cellule non seulement achevée comme édifice, mais encore garnie de miel presque au complet. Je viens de la dérober à sa propriétaire, qui n'aurait pas tardé à y déposer son oeuf. Que va faire la maçonne devant ce don de ma munificence, lui épargnant fatigues de bâtisse et de récolte ? Laisser là le mortier, sans doute ; achever l'amas de pâtée, pondre et sceller. — Erreur, profonde erreur : notre logique est illogique pour la bête. L'insecte obéit à une incitation fatale, inconsciente. Il n'a pas le choix de ce qu'il doit faire ; il n'a pas le discernement de ce qui convient et de ce qui ne convient pas ; il glisse, en quelque sorte, suivant une pente irrésistible, déterminée d'avance pour l'amener au but. C'est ce qu'affirment hautement les faits qu'il me reste à rapporter.

Souvenirs entomologiques, Serié 1, Chapitre 22 "Echange de nids"

NB. Le chalicodome des murailles, Megachile parietina, ou abeille-maçonne, est un hyménoptère de la famille des osmildes

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Publié le 14 Janvier 2015

Depuis quelques temps, quand tout était calme dans la maison, nous entendions des bruits au plafond. Que se passait-il au grenier ? Des souris ? Des chauves-souris ?

aperçu de la charpente ©PascaleC

aperçu de la charpente ©PascaleC

Il a fallu aller y voir de près. A la lampe de poche, a priori pas de bestioles apparentes, ni souris, ni chauve-souris, mais les poutres de la charpente étaient dans un drôle d’état avec comme des boursouflures.

Des termites ? Nous ne savions pas, alors nous avons fait appel à un spécialiste pour qu’il diagnostique le mal.

Et voilà le résultat.

Ce n’était pas des termites (ordre des blattoptères), notre région au nord de Paris n’est pas (encore) atteinte par ce fléau. Ce n’était pas la petite vrillette (Anobium punctatum), ni la grosse vrillette (Xestobium rufovillosum), la fameuse "horloge de la mort", ainsi nommée à cause du bruit régulier fait par le mal en se cognant la tête contre le bois pour attirer le femelle, tous deux des coléoptères de la sous-famille des Anobiinae. Les vrillettes font comme des trous de perceuses dans les bois alors que chez nous la surface du bois semblait s’effriter. Elles s’attaquent aussi bien aux feuillus qu’aux résineux, la grosse vrillette s’attaquant surtout aux bois humides.

Il s’agissait, nous dit-on, du capricorne des maisons, dont le nom scientifique Hyhotrupes bajulus, Hylotrupes du grec "je perce le bois". Le creusement de la larve est audible – voilà pourquoi nous entendions des bruits - et les spécialistes le détectent au stéthoscope, ou bien avec un tournevis tout simplement pour mieux voir les dégâts et éventuellement mettre en évidence les larves. Notre maison abritait sans doute depuis longtemps cet intrus, insecte de 10 à 20 mm de long, avec les grandes antennes caractéristiques des longicornes, sans bien sûr que nous le sachions...

capricorne des maisons ©Wikipedia Commons

capricorne des maisons ©Wikipedia Commons

Cet insecte est un coléoptère de la famille des Cerambycidae à larve xylophage, qui endommage la structure du bois et compromet par le fait sa résistance. Comme les vrillettes il est redouté des responsables de patrimoine mobilier ou immobilier.

Son bois de prédilection : il n’attaque que l’aubier des résineux (douglas, épicéa, sapin, pin, etc.) très présents dans nos habitations ou le bois blanc.

La femelle pond une trentaine d’œufs 3 jours après l’accouplement (entre juin et août) et les dépose par groupe de 3 à 7 dans les infractuosités du bois. 7 à 20 jours après la ponte, les œufs éclosent et laissent place aux larves qui vont dévorer le bois. Leur survie dépend de la qualité nutritive du bois, de l’hygrométrie ainsi que de la température ambiante. C’est pour cela que le stade larvaire peut demander 3 à 5 ans.

Les larves creusent des galeries en suivant le fil du bois, effleurant la surface sans la percer, faisant tout un réseau ramifié de galeries ovales. Comme dans un premier temps, il n’y a pas de sciure visible au sol, on ne se rend compte de l’atteinte que tardivement. Sinon les résidus se présentent sous la forme de petits cylindres de moins d’un millimètre.

Arrivée à maturité, la larve se transforme en imago (adulte prêt à la reproduction). Ce stade, la nymphose, peut durer 15 jours. Un trou d’envol ovale de 6 à 10 mm est foré pour que l’insecte puisse s’échapper. S’il le faut la bestiole peut forer du plomb. Oui du plomb… Les insectes adultes s’observent de juin à août et leur durée de vie est de 3-4 semaines.

Il va falloir traiter si nous voulons sauver notre charpente. Trop tard bien sûr pour un traitement préventif par imprégnation. On ne peut pas badigeonner les poutres avec un produit xylophage. Il faut un traitement curatif de choc pour détruire les larves. Il doit être réalisé par des spécialistes agréés, travaillant selon les règles édictées par par le FCBA (centre technique industriel Forêt Bois-Construction Ameublement).

Alors – chez vous - cela vaut peut-être le coup de jouer au Sherlock Holmes et de monter sous la charpente. Surveillez bien toute trace de boursouflure, de vermoulure, au besoin sondez les poutres avec un tournevis : qui sait l’individu a peut-être déjà laissé des preuves de son existence…

Et si vous construisez, proscrivez l’aubier des résineux (la partie juste sous l’écorce du bois) et surtout choisissez des bois traités préventivement.

Bon à savoir : les traitements luttant contre les xylophages peuvent vous faire bénéficier d’une subvention de la part de l'ANAH (Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat).

Pascale C.

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Publié le 7 Janvier 2015

Le colloque INSECTINOV organisé par Adebiotech à Romainville en décembre dernier a réuni autour des insectes près de 180 participants du monde académique et des entreprises.

Il ne s’agissait pas d’un colloque entomologique avec des spécialistes de la classification ou de l’éthologie des insectes, mais sur les recherches et les débouchés innombrables que les insectes peuvent offrir.

Bien sûr on y a parlé d’entomophagie avec la production d’insectes dédiés à la nourriture humaine, mais surtout de la possibilité de nourrir les animaux, que ce soit les animaux de compagnie (petfood) ou les animaux d’élevage, notamment en aviculture et aquaculture, les volailles et les poissons appréciant déjà largement ce genre de nourriture.

Yellow technology ©Roger Puff

Yellow technology ©Roger Puff

Mais ce ne sera pas le propos de cet article, pas plus que la production d’insectes comme micro-guêpes ou coccinelles pour le bio-contrôle en agriculture ou bourdons pour la pollinisation. En effet d’autres débouchés sont d’ores et déjà largement explorés et offrent de belles perspectives : les "biotechnologies jaunes"..

Et oui, on a pris l’habitude de donner des couleurs aux biotechnologies. Les biotechnologies, faut-il le rappeler, sont les technologies utilisant le vivant (végétaux, animaux, micro-organismes) pour la fabrication industrielle de composés biologiques ou chimiques (médicaments, matières premières industrielles) ou pour l’amélioration de la production agricole (plantes et animaux transgéniques, organismes génétiquement modifiés). Ces technologies de bioconversion sont donc l’intersection entre la biologie et diverses techniques telles que microbiologie, biochimie, biophysique, génétique, informatique, etc.

Aujourd’hui on distingue tout un arc-en-ciel de biotechnologies :

  • Vertes, dans les domaines de l’agriculture, de l’agrochimie, de l’agro-alimentaire, (incluant les OGM)
  • Rouges, dans le domaine médical, pour le traitement ou le diagnostic des maladies, très utilisées dans l’industrie pharmaceutique
  • Blanches, dans l’industrie, entre autres celles – alternatives aux procédés chimiques, qui vont être utilisées pour la production de polymères, de solvants, de matériaux de construction, de textile, de carburants, etc.
  • Bleues, à partir des organismes marins, pour la cosmétique, la pharmacie, l’aquaculture, l’agroalimentaire
  • Jaunes, celles qui, utilisées dans le domaine de l’environnement, permettent le traitement et l’élimination des pollutions (assainissement des sols, traitement des eaux, épuration des gaz résiduels et de l'air, recyclage des déchets et résidus.). Quelquefois on les qualifie de "grises".

Ces couleurs sont admises depuis un certain nombre d’années, un ouvrage les présente ainsi en 2010 (Aide-mémoire de génie chimique, Emilian Koller, Dunod 2010)

Mais cela étant, de plus en plus souvent on trouve la dénomination "technologies jaunes" utilisée pour celles qui concernent les insectes. Sauf à me tromper cette dénomination s’est développée en France à partir de 2013 avec la médiatisation d’un centre de recherche en Allemagne. On pouvait en effet lire sur plusieurs sites Internet un communiqué émanant de bulletins-electroniques.com, un site de veille technologique internationale du Ministère des Affaires étrangères et du Développement international.

"Avec plus de 30 millions d'espèces connues, les insectes représentent un véritable "trésor pharmaceutique" dont il reste encore beaucoup à découvrir. Le développement de nouveaux produits basés sur les propriétés des insectes (biotechnologie "jaune") est récent, mais il est déjà internationalement reconnu comme un domaine innovant avec des perspectives de croissance considérables. En effet, la capacité des insectes à coloniser l'ensemble de la biosphère est le résultat d'une adaptabilité évolutive exceptionnelle. De nombreuses espèces d'insectes peuvent survivre dans des environnements extrêmes, et sont capables de métaboliser des substances à forte toxicité. La compréhension de leurs outils de synthèse moléculaire ouvre de nouvelles perspectives dans les domaines de la médecine (biotechnologie "rouge"), de la lutte antiparasitaire (biotechnologie "verte") et de la production industrielle (biotechnologie "blanche"). La recherche sur ces espèces doit également permettre le développement de modèles pour l'évaluation des risques éco-toxicologiques ou encore faciliter la production de nouveaux biocapteurs."

Le communiqué émanait de LOEWE avec le projet Centre for Insect Biotechnology & Bioresources, dirigé par l’entomologiste Prof. Dr. Andreas Vilcinskas de l’Université Justus-Liebig de Giessen (Land de Hesse), qui se présentait ainsi :

"LOEWE,-Centre pour la biotechnologie des Insectes utilise les insectes comme bioressource pour de nouveaux produits avec des applications en médecine, biotechnologie agriculturale et industrielle."

Le Pr Vilcinskac avait publié en 2010 à cette époque un ouvrage en anglais "Insect Biotechnology" les développements en entomologie appliquée obtenus grâce à la biologie moléculaire et résumés sous le terme de biotechnologie des insectes :

"La biotechnologie des insectes apparait comme une discipline au potentiel économique considérable ; elle englobe l'utilisation des insectes comme organismes modèles et celle des molécules d'insectes issues de la recherche médicale ainsi que des mesures de protection des plantes modernes."

extrait de LOEWE

extrait de LOEWE

Bref, admettons que ce sont les allemands de Giessen qui ont introduit le terme de biotechnologies jaunes dès 2009, peut être même auparavant. En effet on le trouve dans le résumé d’un ouvrage sur les technologies blanches paru en 2009 "Weiße Gentechnologie - Von Vitaminen & Aromen zu Industriechemikalien" (Biotechnologies blanches – des vitamines et aromes aux produits chimiques industriels ) de Jochen Schmid et Volker Sieder.

De leur côté les biologistes japonais, tout particulièrement ceux qui sont investis dans la sériciculture (ver à soie, chenille de Bombyx mori), travaillent également ces questions. La Société japonaise de la Science de la Sériciculture publie depuis 2000 le Journal of Insect Biotechnology and Sericology.

Vous avez dit "Technologies jaunes" ?

Pour en revenir au colloque INSECTINOV, la conférence inaugurale était donnée par le Professeur Jean-Marc Reichhart, de l’Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire de l’Université Louis-Pasteur de Strasbourg, disciple de Jules Hoffmann, Prix Nobel de médecine 2011. Cette conférence de haut niveau portait sur l’historique des études menées sur la drosophile (mouche du vinaigre), modèle incontournable pour les études génétiques et l’immunité innée. A noter que la drosophile est avec l’abeille mellifère et le ver à soie (bombyx), l’une des trois espèces d’insectes légalement considérées comme domestiques.

Les conférences du lendemain matin étaient consacrées au développement des applications dans le domaine de la santé, session animée par Madame Yasmine Zouicha de la société Pall Life Sciences, spécialisée dans les appareils d’analyse en biotechnologies.

Un exposé général d’Hassan Chaabi (société Agate bioservices) présentait les utilisations possibles des cellules d’insectes dans le domaine de la santé, sujet lancé dès 1935 avec des travaux sur le ver à soie. Il évoquait notamment les caractérisations biologiques (caryotypes..), l’étude des virus d’insectes (sujet que nous avons déjà évoqué dans ce blog), la lutte biologique (production de virus pathogènes) et la production de protéines recombinantes. Les applications actuelles étaient décrites : production de vaccins vétérinaires et humains, interférons à usage vétérinaire, thérapie génique,… Il concluait sur les axes majeurs de développement.

Hot pink technology ? ©Roger Puff

Hot pink technology ? ©Roger Puff

Stéphanie Spirkel de la société Merial, filiale pour la santé animale de Sanofi, traitait plus particulièrement des vaccins vétérinaires obtenus à partir de cellules d’insectes

Roland Lupoli, chercheur à l’INSERM, auteur du livre L’Insecte médicinal (Editions Ancyrosoma, 2010), rappelait que l’usage des insectes remonte aux Mésopotamiens il y a 5000 ans, présentait un certain nombre d’utilisations en médecines traditionnelles, les miels thérapeutiques, l’asticothérapie, que je développerai peut-être un jour ici. Il montrait les perspectives ouvertes par les molécules à haute valeur pharmaceutique que l’on peut trouver chez l’insecte, comme celles obtenues à partir des insectes hématophages (ex. moustique) : vasodilatateurs, anti-agrégants, anti-inflammatoires, etc., celles contenues dans les venins, les peptides antimicrobiens, etc. Pour conclure il présentait les stratégies de développement de molécules soit par synthèse après bioguidage, soit par biosynthèse ou hémisynthèse après élevage d’insectes de certaines espèces comme Cordyceps, Apis mellifera, Tenebrio molitor, Hermetia illucens, Bombyx mori… De belles perspectives.

Tenebrio molitor (vers de farine)  ©Roger Puff

Tenebrio molitor (vers de farine) ©Roger Puff

Le traitement de maladies génétiques et de maladies rares, à partir de cellules d’insectes ou de baculovirus, était développé par Otto-Wilhelm Merten de la fondation Généthon, travaillant sur les maladies génétiques rares (désordres neuromusculaires, immunodéficiences, maladies hépatiques…). Il présentait les techniques d’obtention en laboratoire et au stade industriel, montrant clairement pourquoi, du fait de la complexité et de la durée des opérations nécessaires, ces médicaments et les thérapies qui en découlent sont si chers. Les travaux futurs permettront sans doute d’améliorer la qualité des produits et de baisser les coûts de production afin de traiter plus de patients avec de meilleurs résultats.

Sancha Salgueriro de la société danoise ExpreS2ion Biotechnologies présentait le rôle des cellules S2 de Drosophila pour le développement de nouveaux traitements immunologiques et de vaccins.

Enfin une table ronde animée par Christian Valentin de Lyonbiopole avec tous les acteurs de la filière santé permettait d’évaluer les enjeux et les perspectives de développement de cette filière insecte-santé.

Et je conclurai en disant que si les insectes sont connus pour être la cause de nombreuses maladies : chikungunya, fièvre jaune, dengue, paludisme, maladie du sommeil, etc., ils peuvent également être la source de nouveaux médicaments et de vaccins. Aussi faut-il veiller à préserver la biodiversité, car il y a peut être quelque part un insecte ignoré qui pourra nous aider à guérir une maladie nouvelle ou non…

Pour en savoir plus voir INSECTINOV et Biotechinfo

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