Association pour le développement d’une image objective de l’insecte auprès du grand public, par des actions de sensibilisation, d’information et de formation pour une meilleure connaissance de la biodiversité des insectes et de leurs interactions avec notre vie de tous les jours
En parcourant les archives d'Alphonse Labitte, cet entomologiste-poète et musicien, je découvre un cahier avec des coupures de presse. Un article attire immédiatement mon attention.
Il est titré "La Cigale élève des Fourmis" avec juste au-dessusen plus fin "Mlle Geneviève Vix lance une mode nouvelle". Pas de date, pas de nom de journal.
Bien sûr je cherche qui était Mlle Vix et j'ai vite fait de découvrir sa biographie grâce à Wikipedia. C'est une célèbre cantatrice du début du 20ème siècle, née en 1879) à Nantes et décédée en 1939 à Paris. Elle a chanté Marguerite dans Faust de Gounod, Melisse dans Armide de Gluck, Manon dans Manon de Massenet. J'en passe, ... bref tous les grands rôles de soprano. Pour ceux qui ne le savent pas j'adore l'opéra. Mais ce n'est pas le sujet.
Ceci dit, grâce à Gallica de la Bibliothèque nationale de France, j'ai rapidement trouvé que cet article était paru il y a plus de cent ans dans la revueComœdia du 16 février 1912, On peut d'ailleurs aussi entendre grâce à Gallica des airs qu'elle a enregistrés.
L'article nous dit qu'elle s'est illustrée dans Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach.
Les photos que j'en donne ici sont tirées de l'article que j'avais pu photographier chez la petite fille d'Alphonse. Elle devait être bien belle, Mlle Vix, si l'on en croit le tableau que Van Dongen a fait d'elle dans son rôle de Salomé dans l'opéra éponymede Richard Strauss. On aurait aimé voir sa danse des sept voiles.
A propos d'Alphonse Labitte, si vous voulez en savoir plus, aller lire l'article qui vient de paraître dans l'excellente revue, Insectes, page 31 du numéro 191 du 4ème trimestre 2018.
Bonne lecture !
L'article signé Jules Delini débute ainsi : "Venez me rendre visite bientôt, je vous monterai ma fourmilière".
Inutile de vous dire qu'intrigué, il ne manqua pas de sonner chez Mlle Vix.
Poursuivons notre lecture :
De charmantes artistes m’avaient déjà fait assister à des courses de tortues, à des exercices de jeunes sapajous, à l’acclimatation de pumas d’Amérique ; j’allais être initié au travail des fourmis.
Après avoir sonné à la porte de l’interprète des Contes d’Hoffmann, je m’attendais à pénétrer dans une cour-jardin où, autour d’une touffe de mousse, grouilleraient des centaines de fourmis… La brillante cantatrice me reçut, au contraire, dans son coquet salon de repos, et prenant sur un meuble de style une petite boite en bois de rose, elle en ôta le couvercle et me montra sa « merveille ». Entre deux plaques de verre, plusieurs douzaines de fourmis s’agitent, elles passent et repassent entre de nombreux îlots de sable noir, se réunissent au centre et évoluent à travers de petits œufs blancs presqu’imperceptibles.
A la loupe je distingue facilement sept espèces différentes de fourmis, la plupart de celles-ci sont groupées autour d’une « Reine », une grosse fourmi noire ailée, qui se distingue des autres à l’œil nu, et que toutes ses compagnes s’acharnent à tuer.
NdR. Mais comment notre visiteur a-t-il pu distinguer sept espèces de fourmis ? Et cette grosse "Reine" noire et ailée me parait bien singulière. On aimerait avoir les noms latins des espèces... car là, on le perd vraiment, notre latin. Mais ce serait trop demander.
Mlle Geneviève Vix, qui s’intéresse vivement aux différents travaux de ces petites bêtes, et qui a étudié journellement tous leurs faits et gestes, me guide à travers « fourmilière-ville ». Nous visitons d’abord la place publique, puis un grand nombre de petites ruelles dont certaines aboutissent au cimetière, un enclos de deux centimètres carrés, qui se trouve dans un coin de la plaque de verre et où les fourmis trépassées dorment leur dernier sommeil.
Deux fois par mois, Mlle Vix donne à ses insectes, comme toute nourriture, un peu de miel et quelques gouttes d’eau. Pour me prouver qu’elle est la sensibilité de tout ce petit monde, la pensionnaire de l’Opéra Comique me cite le fait suivant :
"Figurez-vous qu’un jour, ayant doublé la dose d’eau, une véritable inondation se produisit dans la fourmilière, et il fut très intéressant de constater le « sauve qui peut » général qui se produisit parmi toute ces petites bêtes."
NdR. Légèrement sadique notre cantatrice, pourquoi se réjouir ainsi du désarroi du petit monde myrmicole. Bon, elle n'a pas dit qu'elle leur avait arraché une patte ou deux, ou les ailes de la grosse reine. Ouf !
Si vous promenez une lumière quelconque sous cette plaque de verre vous voyez tout de suite éclater une véritable révolution parmi les fourmis ; c’est le désarroi général, certaines se réfugient autour de la Reine, tandis que d’autres glissent sous le sable pour chercher un abri et s’y cacher.
"C’est avec beaucoup de soin qu’elles surveillent leurs œufs, elles les transportent assez facilement, et s’il vous arrive de pencher la plaque de verre et d’en faire descendre des œufs, aussitôt elles se précipitent toutes après eux."
"Depuis plus d’un mois que je possède ma fourmilière je n’ai pas eu à changer de Reine, le cas vaut d’être signalé, car comme je vous le disais, toutes les fourmis s’acharnent généralement à la tuer."
"Vous énumérer les travaux accomplis par mes pensionnaires est chose assez difficile, mais j’estime qu’il est très intéressant d’avoir près de soi tout un petit monde dont la vie est si bien organisée."
NdR. Si je n'avais pas lu que le sable dans la boite était noir, on aurait pu penser que la cantatrice observait les fourmis s'agiter puis s'aligner comme des notes sur une partition. Ceci dit, c'est peut être cette similitude qui avait attiré la soprano.
J’apprends que Mlle Geneviève Vix n’est pas la seule parisienne qui s’intéresse à la vie des fourmis ; toutes les personnes qui connaissent la gracieuse artiste se passionnent pour l’étude de ces petites bêtes et la fourmilière va devenir certainement à la mode à Paris…
Si dans les boudoirs de nos élégantes parisiennes, entre la boite à poudre de riz et le coffret aux secrets, se dissimule un jour prochain une petite fourmilière, il se trouvera certainement quelque distingué écrivain qui, à l’exemple de Maeterlinck, auteur de La Vie des Abeilles, composera de son côté La Vie des Fourmis.
Jules Delini
NdR. Ces détails m'avaient fait dater l'article d'après 1901, date de la parution de La Vie des Abeilles, et d'avant 1926, puisque Maurice Maeterlinck fit paraître La Vie des Termites cette année-là. Sinon Delini nous en aurait parlé, cela va de soi. On sait que Maeterlinck, sans doute motivé par cet article, qui sait ?, et prenant au mot Mlle Vix, a publié La Vie des Fourmis en 1926. Quant à Jules Delini, il était critique théâtral. Il a fait paraitre quelques ouvrages dont, en 1926, "Nos vedettes : 300 biographies anecdotique d'artistes dramatiques et lyriques illustrées de portraits originaux du maître Abel".
Poursuivant mes recherches sur Mlle Vix, je suis tombé sur un article du Figaro du 12 février 1912, quelques jours à peine avant la parution de l'article de Comœdia. Jules Delini n'avait pas dû être le seul journaliste à défiler dans le boudoir de Mlle Vix. Celle-ci avait dû aussi dévoiler à plus d'un admirateur les charmes de sa petite boite en bois de rose. Mais ici, c'est un article nettement moins admiratif que celui de notre critique peu critique.
"C'est la mode présentement d'avoir dans son salon une petite fourmilière. La vulgarisation tardive des chefs-d'œuvre de J.-H. Fabre a été immédiatement mise en pratique par des inventeurs malins et cruels. On place dans une boîte de verre une pelletée de « fourmilière », c'est-à-dire la terre, les œufs, les provisions et les fourmis ; il n'y a plus qu'à observer l'aménagement merveilleux des insectes. Car les fourmis restent laborieuses en prison, elles installent leurs souterrains, leurs greniers et le palais de leur reine. On peut perdre énormément de temps à les regarder travailler."
"Puis, le jeu se complique de petites cruautés, il suffit d'introduire quelques fourmis étrangères pour assister au spectacle d'une mobilisation générale:fermeture des souterrains qui conduisent au grenier, dispositions de bataille, mêlées, etc. La guerre chez soi. Après la guerre, on peut expérimenter le service des ambulances, car il arrive qu'en refermant la coulisse de cristal qui ferme la boîte on pince quelques fourmis égarées dans des parcelles de terre. On voit d'autres fourmis qui écartent la terre et dégagent leurs camarades. C'est un jeu charmant et une, cantatrice célèbre l'a lancé."
Cela étant, un savant entomologiste, Charles Janet (1849-1942), avait développé des nids artificiels de fourmis dès 1890. Mais ce n'était pas pour en faire des amusements de boudoir, mais bien des outils d'observation scientifique. Ses travaux avaient été présentés à la Société entomologique de France et à la Société zoologique de France en 1893. D'ailleurs dans sa Vie des fourmis, Maurice Maeterlinck fera référence à ses travaux, comme il le fera pour les grands myrmécologues Forel, Wasmann, Wheeler et Emery, sans oublier Pierre Huber, avec sa bible de la myrmécologie : Les recherches sur les mœurs des fourmis indigènes, parue en 1810.
Admirez le nid artificiel - à humidité contrôlée - qu'il avait mis au point.
Le sympetrum de Gilles Parigot de Istres (Bouches-du-Rhône) a obtenu le 1er Prix du Jury. La libellule est parasitée par des acariens Arrenurus papillator vivant habituellement dans des mares temporaires et s'attachant aux libellules par leurs pièces buccales. La photo a été prise à Marignane dans une zone humide à l'est de l'étang de Berre avec un Nikon D7800 équipé d’un objectif Nikon 300 mm.
Gilles Parigot avait obtenu en 2017 le 2ème Prix du Jury et le 3ème Prix du Public.
2019 verra la 6ème édition du concours photo "Insectes de France" de L'Agrion de l'Oise. Elle sera lancée le 1er juin et les candidats auront jusqu'au 10 septembre pour envoyer leurs photos. Encore un peu de patience.
L'Agrion de l'Oise espère de très nombreuses candidatures. Alors tous nos vœux de réussite d'excellents clichés aux photographes amateurs d'insectes.