Frelon européen ©Frédéric Cleton sélectionné à notre Concours 2015
Une guêpière vous savez ce que c’est, bien sûr. C’est une pièce de lingerie qui donne aux dames une taille de guêpe. Je ne vous propose pas de photo, désolé, mais nous allons bien parler de guêpes, ces guêpes qui troublent nos repas et nos pique-niques l’été et dont nous redoutons la piqûre.
Guêpiaire est un terme d’entomologie un peu perdu de vue. Le Littré nous dit qu’un guêpiaire – nom masculin - est un genre d'insectes hyménoptères, comme d’ailleurs un apiaire est un insecte qui appartient à la tribu des abeilles. Mais ce mot est aussi un adjectif qualifiant ce qui se rapporte aux abeilles, insectes que nous préférons et de loin aux guêpes
Je vous parle de guêpiaire parce que pour présenter quelques photos, je me sers d’un texte de Jean-Baptiste Pierre Antoine de Monet, chevalier de La Marck, dit Jean-Baptiste de Lamarck 1744-1829, qui s’est consacré à la zoologie des insectes et des vers. Il aurait été celui qui pour la première fois a utilisé le terme de biologie pour la science qui étudie les êtres vivants. Précurseur de Charles Darwin, il a proposé une théorie de l’évolution. L’ouvrage que j’ai utilisé est Histoire naturelle des animaux sans vertèbres paru entre 1815 et 1822, il y a donc 200 ans.
« Les guêpiaires sociales, non-seulement sont remarquables parce qu’elles vivent en société, mais en outre, en ce que chaque espèce se compose de trois sortes d’individus, de mâles, de femelles et de neutres. Ces derniers néanmoins ne paraissent être encore que des femelles sans sexe, c’est-à-dire, dont le sexe est avorté. Ces trois sortes d’individus forment de sociétés quelquefois nombreuses, selon l’espèce. Ils construisent des nids singuliers, en partie formés de matières diverses, et dont l’enveloppe externe semble, soit papyracée, soit cartonneuse. Dans leur intérieur, on trouve au moins un plan couvert d’alvéoles ; et, dans certains, cet intérieur est divisé par des cloisons transverses dont chacune est chargées d’alvéoles d’un seul côté. Ces guêpiaires sociales ne sont partagés qu’en deux genres : les guêpes et les polistes. »
Remarquez que chez Lamarck « Guêpiaire » est un nom féminin. Il y a de quoi se perdre et perdre son latin.
La guêpe et l'avocat © Joël Tribhout
« Les guêpes
Antennes brisées, de douze ou treize articles, renflées vers leur sommet en massue oblongue et pointue. Quatre palpes. Mandibules fortes, tronquées obliquement et dentées à leur extrémité. Bord antérieur du chaperon largement tronqué, ayant une dent de chaque côté.
Corps oblong, ayant l’’abdomen attaché par un pédicule très court. Ailes supérieures plissées ou pliées en deux, étroites. Trois sortes d’individus, tous ailés, vivant en société dans un nid commun. Larves apodes. »
« Observations : Quoique les guêpes aient les antennes brisées ou coudées comme les abeilles, on les distingue au premier aspect, par leurs ailes étroites et plissées ou pliées en deux longitudinalement ; par leur corps plus grêle en général, moins velu, et même presque glabre ; enfin, par leur trompe très courte, et leurs mandibules fortes et grandes.
Leur corps est ordinairement varié de jaune et de noir. Leurs yeux sont en forme de reins ; et leur trompe ou langue est large, échancrée, avec un filet de chaque côté. Leur larve est petite, vermiforme et sans pattes."
A l'abreuvoir : abeille et frelon Vespa orientalis , ile de Paros (Grèce) © Roger Puff
"Les guêpes formant des sociétés composées de trois sortes d’individus, les femelles et les neutres seulement travaillent à la construction de leur nid. En réduisant en forme de pâte des parcelles de vieux bois ou d’écorce, elles en construisent leur guêpier, savoir ses rayons ou gâteaux et l’enveloppe commune, d’une matière analogue à du papier ou du carton. Leur guêpier est suspendu en dessus par un ou plusieurs pédicules, et les rayons qu’il contient, tantôt en petit nombre et tantôt fort nombreux, sont horizontaux, et ont leur face intérieure seulement garnie de cellules verticales hexagones. Les femelles ne pondent qu’un œuf dans chaque cellule, y joignent une provision de nourriture pour la jeune larve, et ensuite ferment la cellule.
Les sociétés de guêpes ne subsistent que jusques vers le milieu de l’automne. Alors les neutres tuent les larves qui n’ont pas eu le temps de se transformer ; les autres périssent pour la plupart, et quelques femelles qui survivent à la mauvaise saison, travaillent, au printemps, à fonder une nouvelle colonie.
Les guêpes ne sont guère connues en général, que par les ravages qu’elles font dans nos jardins, en dévorant nos meilleurs fruits. Elles se nourrissent aussi d’insectes et même de viande. Elles font leur nid dans la terre, dans l’intérieur des vieux bois, et souvent dans les greniers des maisons. Leur approche est toujours à redouter. »
Frelon asiatique et Cantharide sur une ombellifère © Roger Puff
Lamarck présente quelques espèces et débute par le frelon Vespa crabro, l’européen bien sûr.
Guêpe frelon, Vespa crabro : « Habite en Europe. Grosse guêpe qui fait son nid dans les creux des vieux arbres, et quelquefois dans les charpentes des greniers. »
L’asiatique, Vespa velutina, n’est pas encore connu et ne fait pas la hantise des apiculteurs et le bonheur des journalistes, mais qui les uns et les autres le vouent aux gémonies … De même il ne présente pas le frelon oriental, Vespa orientalis, qu'on trouve dans le sud de l'Europe depuis presque toujours.
Il poursuit par quelques espèces de guêpes. Notez qu'aujourd’hui le nom Vespa est réservé aux frelons, les autres Vespinae, sont nommées Vespula.
Guêpe commune, Vespa vulgaris (aujourd’hui Vespula vulgaris) : « Habite en Europe. Elle est fort commune, moins grosse que la précédente, plus brillante par ses deux couleurs, le noir et le jaune, et fait son nid dans les toits. Une de ses variétés fait le siens dans la terre. »
Guêpe de Holstein, Vespa holsatica (aujourd’hui c’est Dolichovespula sylvestris, Scopoli 1763) : « Habite en Europe. Se trouve aux environs de Paris. Elle fait un guêpier oviforme, à enveloppe triple, dont les pièces sont minces et inégales ».
Il cite encore la Guêpe fauve, Vespa rufa (Vespula rufa) qui habite le nord de l’Europe et la Guêpe à une bande, Vespa ciincta, qui habite les Indes orientales… Et c’est tout.
Aujourd’hui mon guide Flammarion me donne d’autres espèces Vespula germanica (le guêpe germanique), V. austriaca , V. saxonica, V. sylvestris, V. norwegica, V. adulterina. Pas évidente à distinguer. Il faut pour ce faire bien observer les dessins de l’abdomen, et surtout ceux de la face, du clyteus. Par exemple V. vulgaris et V. germanica sont très semblables, mais V. germanica possède trois points noirs sur la face alors que V. vulgaris présente une espèce de flèche, V. germanica a des points noirs sur l’abdomen, V. vulgaris n’en a pas. Et ce n’est pas tout il y a encore quelques petits détails qui font qu’une photo ne suffit pas pour les déterminer avec certitude.
La guêpe et le bourdon © Joël Tribhout
Mais vous allez me demander à quoi peuvent bien servir ces insectes bien embêtants. Sachez que les guêpes non seulement contribuent à la pollinisation, mais elles ont un rôle important dans la régulation de populations d’insectes, mouches ou papillons qui pourraient être nuisibles aux cultures. Ce sont des agents de la lutte biologique. Elles rendent donc d’importants services écosystémiques.
L’article « Guêpe » de Lamarck ne concerne que la sous-famille des Vespinae, comprenant les genres Vespa, Vespula, Dolichovespula. La famille est Vespidae. Elle comprend une autre sous-famille de guêpes sociales, Polistinae, que Lamarck présente à la suite le genre Polistes. Cette famille aussi comprend deux sous-familles de guêpes solitaires Eumaninae et Masarinae? dont il ne sera pas question ici.
Nid de Polistes (Gers 2016) © Roger Puff
« Polistes* : Antennes brisées, en massue allongée, finissant en pointe. Mandibules non tronquées, dentées en leur côté interne. Milieu du bord antérieur du chaperon avancé en pointe. Corps subovale, abdomen pédiculé. »
« Observations Les polistes sont des guêpiaires sociales tellement voisine du genre guêpe par leurs rapports, qu’on aurait pu ne les en pas distinguer. Cependant, comme ces guêpiaires diffèrent des guêpes proprement dites par la forme de leurs mandibules et par celle du chaperon, nous avons adopté le genre qu’en a formé M. Latreillle.
Ces guêpiaires ont aussi l’espèce composée de trois sortes d’individus, tous ailés, savoir des mâles, des femelles et des neutres. Leurs ailes sont plissées ou pliées en deux longitudinalement, et, comme elles, visent en société ; leur nid contient une ou plusieurs gâteaux alvéolaires. Parmi leurs espèces, les une sont indigènes, les autres sont exotiques. »
Lamarck nous présente quelques espèces.
« Poliste français : Polistes gallica : habite l’Europe australe, la France. Son nid a la forme d’une rose demi-ouverte et de couleur cendrée ; il est fixé sur un rameau de plante. »
Il cite une autre espèce locale : Poliste diadème, Polistes diadea. Ce serait l’espèce nommée aujourd’hui Polistes nympha.
En fait on considère aujourd’hui que ce que Lamarck nomme Polistes gallica, correspond en fait à deux espèces distinctes Polistes gallicus et Polistes dominulus, qui serait le vrai « Poliste gaulois ». Là encore ce qui permet de bien distinguer les espèces c’est le clypeus, à savoir la partie de la tête au-dessus des mandibules. Vous conviendrez que les photographes ne nous le montrent pas souvent, car il faut regarder l’insecte dans les yeux, j’aurais bien écrit dans le blanc des yeux, mais ce serait difficile, vu qu’il n’en a pas… On repère les polistes par leurs longues pattes postérieures qui trainent derrière elles en vol.
Lamarck cite une kyrielle de polistes exotiques : Poliste boucher, P. lanio au Brésil ; Poliste annulaire, P. annularis en Amérique septentrionale ; Poliste hébraïque, P. hebrœa en Indes orientales ; Poliste cartonnière, P. chartaria à Cayenne, « elle construit de grands guêpiers allongés, pendant aux branches des arbres, dont l’enveloppe est de carton, et dont l’ouverture est un trou central » ; Poliste tatue, P. tatua à Cayenne, « elle construit un grand nid en mauvais carton, allongé en cloche, pendant aux branches arbres ; et dont l’ouverture est un trou marginal ».
La piqûre d’une guêpe poliste, comme celle de tout hyménoptère, est douloureuse et dangereuse pour les personnes allergiques, mais ces espèces ne sont pas agressives si l’on ne les dérange pas au nid.
NdR. Les photos de guêpes de toutes sortes et de polistes, bien entendu, sont parfaitement recevables à notre grand concours photos 'Insectes de France". Attention Vespa orientalis ne serait malheureusement pas acceptable... on le le trouve pas encore en France, mais il est au sud de l'Italie. Pour en savoir plus sur le frelon asiatique et les autres espèces de frelon la référence est le site du Muséum national d'Histoire naturelle.