Toile chargée de gouttelettes de rosée ©Joël Tribhout
Les araignées ou aranéides font partie, tout comme les insectes, du groupe des arthropodes mot qui vient du grec « arthron » articulation et « podos » pied.
Ici s’arrête la comparaison avec les insectes car les araignées ont huit pattes contre six pour les insectes. De plus leur corps est divisé en deux parties car la tête et le thorax forment le céphalothorax qui est relié par un fin pédoncule à l’abdomen, le pédicelle.
Au niveau du céphalothorax on trouve des yeux simples qui peuvent être au nombre de huit, six, quatre, deux ou zéro, deux pédipalpes, des glandes à venin, un cerveau, deux chélicères terminées par des crochets à venin, un jabot aspirateur, l’aorte, l’œsophage, huit pattes composées chacune de hanche, trochanter, fémur, patelle, tibia, métatarse, tarse et une griffe. Au niveau de l’abdomen il y a le cœur, l’intestin, le poumon, des glandes digestives, l’ovaire, un réceptacle séminal, les glandes séricigènes, l’anus et les filières.
Avec les scorpions, pseudo-scorpions, acariens, opilions (appelés aussi faucheux), les araignées forment la classe des arachnides.
Si les entomologistes sont les spécialistes des insectes, les arachnologues des araignées et autres arachnides, ceux qui étudient uniquement les araignées sont des aranéologues.
Si vous êtes arachnophobe (la peur des araignées) pas de chance pour vous car on les trouve sur tout le globe et à presque toutes les altitudes. Certaines ont été vues jusqu’à 6700 m dans l’Himalaya. Déserts de pierre ou de sable, dans les grottes, sous la glace des montagnes et même dans l’eau enfermées dans une bulle d’air.
On recense à ce jour 47 000 espèces d’araignées dont la taille varie de 10 cm pour certaines mygales à 0,2 mm pour l’araignée Patu marplesi.
Cette petite bête n’est pas toute jeune car les premières traces fossiles remontent il y a environ 300 millions d’années, bien avant les premiers dinosaures (170 millions d’années).
Epeire diadème ou porte-croix, elle porte bien son nom ©Joël Tribhout
Pour ce premier volet, on vous présentera la plus commune de nos jardins qui est l’Épeire diadème (Araneus diadematus).
Cette araignée tisse une toile géométrique circulaire pouvant atteindre 40 cm de diamètre. On les appelle les araignées orbitèles du latin orbis (cercle) et tela (toile).
Il faut savoir que toutes les araignées ne tissent pas de toiles mais elles fabriquent toutes de la soie. A l’intérieur de son abdomen, il y a une véritable petite usine à soie. On trouve plusieurs types de glandes dites séricigènes qui produisent une soie de qualité bien spécifique en fonction de son utilisation. Cette soie liquide à l’intérieur se solidifiera au contact de l’air par la modification des propriétés des protéines. Quand on regarde d’un peu plus près l’extrémité de l’abdomen et quand l’araignée tisse sa toile, on peut voir les 6 tubes appelés filières qui sortent de son abdomen.
Ces filières se terminent par une multitude de microtubes, les fusules.
Nous reviendrons plus tard sur la fabrication de sa toile mais avant faisons les présentations physiques car elle n’a pas que des amis.
Quand on prononce le mot araignée, il provoque soit l’admiration ou la répulsion. Son aspect velu avec ses huit pattes crochues ne plaide pas en sa faveur et souvent la première réaction des gens et de l’écraser sous leurs semelles. Pourtant, des deux animaux en face à face, c’est bien l’araignée qui est en position de faiblesse. Il faut savoir que tous les poils qui couvrent son corps sont en soie, donc il est important de dire que l’araignée est soyeuse. Ce sont ces soies réparties sur tout son corps qui lui permettent de détecter les vibrations.
Alors, elle pourrait vous dire « prend moi dans le creux de ta main, je suis douce et ne te mordrai pas ».
Tel un funambule, elle commence par fabriquer les rayons avec ses pattes munies de crochets ©Joël Tribhout
Revenons à l’araignée tisseuse de toile que l’on peut observer facilement dans la nature.
J’ai choisi trois arachnides qui ont évolué dans mon jardin.
L’Épeire diadème appelée aussi araignée porte-croix, l’Argiope frelon ou Épeire fasciée et la Pisaure admirable qui contrairement aux deux précédentes ne tisse pas de toile.
Pourquoi ? Tout simplement elle chasse ses proies dans la végétation. Mais son comportement maternel mérite que l’on s’y attarde.
Un piège collant pour insectes imprudents ©Joël Tribhout
Commençons par l’épeire diadème.
La fabrication de sa toile se fait tôt le matin. Notre épeire diadème doit tout d’abord fabriquer un cadre à partir d’un fil porté par le vent qui s’accroche à un support quelconque. Une fois ce cadre réalisé, elle tend de nombreux fils non collants et solides appelés rayons comme ceux de la bicyclette. Il est curieux de voir que les premiers rayons forment un Y, seule lettre de l’alphabet que connaisse notre épeire.
L’intersection des trois barres de cette lettre constituera le centre de sa toile nommé « Moyeu » auquel elle ajoutera quelques tours d’une spirale serrée. Une fois que les rayons sont terminés, l’araignée tisse un fil en spirale centrifuge non collant qui part du centre vers l’extérieur et dont les spires sont dans un premier temps espacées. Une fois ce premier travail de consolidation terminé, notre ouvrière va disposer un fil de soie gluante d’un diamètre plus important avec des spires plus serrées. Elle le fait de manière centripète, c’est-à-dire de l’extérieur vers le centre. Tout en déposant ce nouveau fil, elle mange la première spirale dite de consolidation qui ne lui sert plus. 80 % de cette soie sera réutilisée plus tard. On peut dire que notre araignée est écologique.
Après la mise en place du cadre, la soie sort d’une des filières pour commencer sa toile ©Joël Tribhout
Ce travail lui demandera presque 1h et sa toile aura un diamètre de 40 cm à peu près. Ce piège collant qu’elle à conçu est redoutable car si sa toile est chargée de gouttelettes d’eau à l’aube, elle deviendra invisible ou presque dès que l’air se réchauffera et les insectes viendront s’y coller. On se pose quelques fois la question : pourquoi elle ne se colle pas à sa toile ? Pas bête l’araignée car elle fabrique une salive, sorte d’antiglue, à base de composés chimiques qu’elle dépose sous chacune de ses huit pattes et ainsi elle peut marcher sur sa toile sans se coller.
Souvent, l’araignée reste soit au centre du moyeu ou alors elle tisse un fil d’alarme jusqu’à une cachette dans la végétation proche.
Ce diptère imprudent fera bien son affaire ©Joël Tribhout
Il faut savoir que l’araignée peut être amenée à refaire sa toile tous les jours si cette dernière est encombrée de saletés. Il lui arrive également de se prendre pour une couturière et de remplacer certains fils manquants.
Certains oiseaux utilisent les fils collants de sa toile pour consolider leur nid.
C’est parti pour un emballage soyeux avant la dégustation ©Joël Tribhout
Il suffit d’être patient pour assister au festin de l’araignée. Dès qu’un insecte vient se coller, la toile vibre et le fil d’alarme l’avertit que son repas est servi. N’ayant pas une excellente vision, elle se dirige sans hésiter vers sa proie guidée vers la partie plus lourde de sa toile où s’est collé l’insecte. En quelques minutes grâce à ses deux crocs qu’on appelle chélicères se terminant par deux crochets mobiles au bout desquels sort le venin, elle mord sa proie, l’emballe de soie tel un cadeau puis en aspire ou sirote l’intérieur grâce à des sucs digestifs qui liquéfie les chairs. Après ces festins, on retrouve sur sa table collante plusieurs carapaces informes. Cette collation lui permet également de s’hydrater.
Les Araignons se dispersent au moindre danger ... ©Joël Tribhout
On peut remarquer qu’en fonction de son appétit, on lui a donné le surnom d’ogresse, certaines proies restent sur la toile telle la nourriture dans un frigo.
Il faut savoir qu’en général les araignées engloutissent en moyenne leur poids en un à dix jours.
Mais le but dans la vie des araignées comme pour les insectes, c’est la reproduction. Si vous êtes curieux de nature et qu’il vous est difficile de faire la différence entre une araignée femelle ou mâle, sachez que la femelle est plus grosse. Seule la femelle épeire fabrique une toile.
Et le mâle me direz-vous, où est-il que fait-il ? Pour lui, l’heure de l’accouplement a sonné. Depuis plusieurs jours il ne s’alimente plus. Il ne rêve que d’une femelle. Le mâle ne fabrique jamais de toile mais pour cette occasion il en conçoit une très petite appelée toile spermatique qui lui servira à déposer des gouttelettes de sperme pour remplir ensuite ses bulbes copulateurs situés à l’extrémité de ses pédipalpes, l’embolus, appelé aussi gants de boxe.
... puis se regroupent ©Joël Tribhout
Mais approcher la femelle est pour lui une aventure à haut risque. Il doit la jouer malin. Alors il tire un fil de soie jusqu’à la toile de sa promise appelé fil de cour. Le mâle attiré par les phéromones va se transformer en mélomane en faisant vibrer ce fameux fil qui est le passeport vers le plaisir. Dame araignée peut faire languir son prétendant pendant de longues minutes puis elle le laisse s’approcher mais gare à ne pas finir emmailloté. Sa technique et d’être au plus près et d’emprisonner sa belle de fils de soie et d’introduire rapidement ses gants de boxe dans l’Epigyne, orifice génital de sa promise, avant qu’elle ne se libère et ne fasse qu’une bouchée de se prétendant présomptueux.
De toute façon après l’accouplement son sort est déjà scellé, il passera de vie à trépas.
Certains mâles vont même jusqu’à se mutiler afin de laisser leurs gants de boxe dans l’orifice génital pour être l’unique géniteur.
Phénomène étrange mais ô combien important, si l’araignée vient à perdre une patte, elle repoussera de moitié retrouvant ainsi une partie de ses soies sensorielles.
Du côté de notre dame araignée, les spermatozoïdes du donateur seront stockés dans sa spermathèque. Quelques jours plus tard elle tissera un cocon appelé sac Ovigère dans lequel elle pondra de 100 à 200 œufs qu’elle déposera et cachera dans la nature, protégés par un réseau de fils de soie, mettant ainsi sa progéniture à l’abri des prédateurs. Une fois sa mission accomplie, elle meurt.
Pour ces araignons, c’est bientôt la liberté ©Joël Tribhout
C’est seulement au printemps que naîtront les Araignons. Les œufs qui n’auront pas reçu de spermatozoïdes serviront de nourriture au plus jeunes.
Avez-vous déjà remarqué dans la végétation une petite boule jaunâtre ? Approchez-vous et touchez-la. La réaction est immédiate. Grâce aux fils de soie tissés par leur mère ils partent dans tous les sens puis en quelques secondes ils se regroupent pour reformer cette boule protectrice.
Il faudra attendre quelques jours et plusieurs mues avant de commencer leur vie d’adulte qui peut durer de 1 an à plusieurs années.
Dans le prochain épisode, je vous présenterai l’Épeire fasciée ou Argiope frelon ainsi que de la Pisaure admirable au comportement maternel et quelques découvertes étonnantes vécues au fil de mes balades. On vous montrera également d’autres types de toiles ainsi qu’un éventail d’araignées dans leur quotidien.
Photos et texte de Joël Tribhout