En islandais papillon se dit fiðrildi (suite 2) ou à la poursuite du Móhumla

Publié le 11 Août 2019

Langavatn le matin dans la brume ©Roger Puff

Langavatn le matin dans la brume ©Roger Puff

Au matin du 7ème jour de voyage, le temps a bien changé. On quitte la guesthouse, il y a bien un cousin à la fenêtre et un papillon géomètre sur l’embrasure de la porte, mais cela n’a plus guère d’intérêt. On va voir "du gros".

Le Langavatn est dans la brume, il fait froid, il bruine. C’est le jour où nous devons aller voir les baleines, enfin essayer de voir des baleines.

Le port d’Húsavik ©Roger Puff

Le port d’Húsavik ©Roger Puff

Direction le port d’Húsavik sur la rive Est du fjord Skjálfandi et son Whale Center. Il est prévu d’embarquer sur un voilier pour observer de près les mammifères marins, baleines ou dauphins. On a parait-il plus de 99% d’en voir. Effectivement au cours d’une croisière fraiche et humide, nous avons vu des ailerons de dauphins à 500 m du bateau… contrat rempli. Ceci dit la virée dans ce beau grand voilier avait beaucoup de charme.

Comme il n’y a pas d’insectes en mer, je passe rapidement.

Phare de Hraunhafnartangi ©Roger Puff

Phare de Hraunhafnartangi ©Roger Puff

Direction Nord, disons que notre objectif est d’aller au plus près du Cercle Arctique en longeant la côte. Plus de 150 km pour atteindre Raufarhöfn, le village le plus septentrional, en passant par la plaine de l’Öxarfjörður et en remontant via une route non asphaltée traversant le Melrakkaslétta, la ”plaine du renard arctique”, vers le phare de Hraunhafnartangi à 2,5 km du Cercle Arctique. Il était un peu tôt pour admirer le soleil de minuit et le ciel était plus que couvert.

Arctic Henge ©Roger Puff

Arctic Henge ©Roger Puff

Alors redescendons vers le Sud avec un arrêt à quelques kilomètres pour découvrir une structure monumentale sur un colline, visible de loin, le Heimskautsgerðið, connu aussi sous le nom de Arctic Henge. Non cet étonnant monument – des arcs en basalte de 10 m de haut dans un cercle de 52 m de diamètre - ne date pas du temps des Vikings ; il est du début des années 2000 et le chantier n’est pas encore terminé. L’endroit doit être idéal pour admirer le soleil de minuit l’été, si le temps le permet, et les aurores boréales l’hiver. Mais nous, on avait tout faux. Je n’ai pas cherché s’il y avait des diptères dans le coin, la température n’était pas vraiment propice.

Retour au Langavatn pour la nuit avec un arrêt ”fish and chips” à Húsavik.

Dettifoss ©Roger Puff

Dettifoss ©Roger Puff

Et nous voilà au 8ème jour et nous nous dirigeons vers Egilsstaðir, une petite ville sans intérêt architectural (en fait une zone d’activités commerciales), sur les rives du Lögorinn. En chemin, il y a beaucoup à voir, la Jökulsárgljúfur, les ”gorges de la Jökulsá”, l'un des plus longs fleuves du pays, avec 206 km, et ses cascades de Selfoss et Dettifoss.

Seyðisfjörður ©Roger Puff

Seyðisfjörður ©Roger Puff

Arrivés à Egilsstaðir, après avoir pris possession de notre chambre, nous allons visiter Seyðisfjörður, un petit port au fond d’un fjord, où arrivent les ferries en provenance du Danemak faisant escale aux Iles Féroé. La route d’accès passe par un col entre les montagnes enneigées dominant le fjord, avec une station de sport d’hiver à proximité. Le village se distingue par ses maisons colorées, une rue arc-en-ciel mène à une petite église bleue.

Brebis et son petit ©Roger Puff

Brebis et son petit ©Roger Puff

Question animaux, on se contentera de cette brebis bizarrement tondue et de son agneau.

Le 9ème jour, l’objectif est de découvrir la région, nous optons pour les environs du Snæfell (il y a trois volcans appelés Snæfell en Islande ; nous en avons vu le Snæfelljoküll, à l’ouest au bout de la péninsule Snæfellness). Mais tout d’abord nous voulons visiter un maraicher bio sur les rives du Lagarfljót, large mais courte rivière, qui rejoint la Jökulsá, juste avant que celle-ci ne se jette dans l’Atlantique.

Serres ©Roger Puff

Serres ©Roger Puff

Notre maraicher est vite trouvé à Vallanes. Excellent accueil. Ce que je cherche à savoir c’est si des bourdons ”d’élevage” sont employés pour la pollinisation dans ses serres. Je dois vous avouer que je n’ai pas vraiment eu la réponse que j'attendais. Et vu aucun bourdon dans les serres… sauvage ou d'élevage.

Une araignée ©Roger Puff

Une araignée ©Roger Puff

En revanche j’y ai vu des araignées. Krosskönguló, l’épeire diadème, Araneus diadematus. Celle-ci et d’autres arachnides cousins sont bien présents et souvent associés à l’agriculture. 

Une mouche ©Roger Puff

Une mouche ©Roger Puff

Sans oublier quelques mouches dans les fleurs d’oignons.

Lagarfljót ©Roger Puff

Lagarfljót ©Roger Puff

Le long du Lagarfljót, nous passons par un site où un panneau nous présente le monstre local, le Wyrm, long comme un autobus… Nessie, le monstre du Lochness est sans doute son cousin. On l’aurait vu pour la première fois en 1345 et filmé en 2012.

Plus loin un arboretum. La région est une des rares régions boisées d’Islande. L’Islande a été couverte de bouleaux et d’autres espèces dont les semences avaient sans doute été apportées par les vents. La construction des bateaux depuis le temps des Vikings a consommé toutes les ressources et aujourd’hui il faut faire venir le bois de Norvège. Un reboisement massif est en cours dans plusieurs régions du pays pour compenser les émissions de CO2.

La balade dans l’arboretum vaut l’arrêt. Il fait partie de Hallormsstaður, la forêt nationale, et compte 85 espèces d’arbres originaires du monde entier.

J’apprendrai plus tard que la litière des forêts islandaises est peuplée de plus de 70 espèces de collemboles, comme Frerakengmaor, en latin Entomobrya nivalis, de nombreux acariens, présents depuis les origines. Par ailleurs les bouleaux et autres arbres ont toujours été visités par les Víðiblaðlýs, les pucerons que ce soit Birkiprotalús, à savoir Euceraphis punctipennis, ou Birkiblaðlús, Betulaphis quadrituberculata, deux espèces de pucerons du bouleau, ou Viðistofnlús, Pterocomma rufipes, le puceron de l’écorce du saule roux. Je passe sur une kyrielle de diptères, mais je ne peux pas passer sous silence Birkiglyrna, en latin Kimnisia betulina, un neuroptère, la chrysope verte, la belle aux yeux d’or.

mouche sur yèble ©Roger Puff

mouche sur yèble ©Roger Puff

Mais misère, je n’ai vu qu’une mouche sur ce qui doit être du faux sureau ou yèble (Sambucus ebulus).

Hengifoss ©Roger Puff

Hengifoss ©Roger Puff

Voici Hengifoss, une des plus hautes chutes d’Islande avec 128,5 m de haut ; admirons ses colonnes basaltiques, alternant avec des strates d’argile rouge. Dans la montée j’aperçois un beau gros bourdon dans les touffes rasantes de fleurs jaunes. Ce sont des Holtasóley, Dryas octopetala (je l’apprendrai plus tard), la dryade à huit pétales. Le temps de mettre l’appareil photo en œuvre, mon bon gros Móhumla a disparu. J’ai scruté toutes les fleurs pendant toute l’ascension et toute la descente, je n’ai plus revu un seul bourdon... Rageant… Dans doute une reine fondatrice…

Massif du Snæfell ©Roger Puff

Massif du Snæfell ©Roger Puff

La route monte et nous mène vers un vaste plateau dominé par le massif du Snæfell avec ses 1833 m de haut, le plus élevé d’Islande. On ne sait pas trop si ce volcan, avec ses huit langues glacières, est éteint ou encore actif.

Barrage de Kárahnjúka ©Roger Puff

Barrage de Kárahnjúka ©Roger Puff

Nous voici à l’impressionnant barrage de Kárahnjúka alimentant une centrale hydroélectrique d'une puissance de 690 MW, produisant 4600 GWh par an. Cette centrale, achevée en 2009, a été très controversée pour son impact environnemental. Elle alimente notamment la fonderie d’aluminium de Reyðarfjörður, à 75 km de là.

Les cygnes ©Roger Puff

Les cygnes ©Roger Puff

Des moutons mais aussi des cygnes, Cygnus cygnus, qu’on voit beaucoup à l’Est de l’Islande. Point d’insectes.

Visitor Centre du Snæfell ©Roger Puff

Visitor Centre du Snæfell ©Roger Puff

Avant de retourner à Egilsstaðir, arrêt à Snæfellsstofa, le magnifique centre d’interprétation (Visitor centre).

Un panneau retient mon attention.

Les charançons de la région du Snæfell ©Roger Puff

Les charançons de la région du Snæfell ©Roger Puff

Un cartouche avec la traduction française est titré ”Un peu d’entomologie”. Il m’apprend que la région partout entre Héraðflói et le Vatnajökull abrite deux espèces de coléoptères, des charançons (Curculionidae) : Silakeppur, à savoir Otiorhunchus arcticus, dans les terrains sableux ou graveleux, et Helakeppur, O. nodosum, dans les terrains plus fertiles. Les adultes s’attaquent aux feuilles et les larves aux racines, tout particulièrement d’épicéas. Les oiseaux, gravelots ou pluviers, et les renards s’en nourrissent.

A la boutique je consulte les bouquins. Et voilà que le Móhumla me saute aux yeux. Il est là en photo sur un beau livre cartonné. J’achète cet ouvrage très intéressant, malheureusement dont il n’existe que la version islandaise : Dulin veröld, Smádýr á Islandi, autrement dit Monde caché, invertébrés en Islande, de Gudmundur Halladorsson, Oddur Sigurdsson et Erling Olafsson, paru en 2002, avec en couverture le Móhumla, magnifique bourdon, Bombus jonellus, visitant la fleur violette d’un Geranium sylvaticum. J’ai tenté d’en traduire des pages, mais même avec un bon traducteur sur l’Internet, la langue islandaise ne se laisse pas apprivoiser facilement. Heureusement le nom des invertébrés est donné en latin, ce qui est fort utile. Si j’ai bien compris, les auteurs, prenant l’exemple de la vallée d’Elliðaárdalur où les premiers colons ont mis le pied, distinguent les invertébrés présents avant la colonisation viking, ceux qui sont apparus au cours de mille années d’agriculture, de pêche et de trafic maritime, et enfin ceux apparus dans les dernières décennies.

Ce livre m’apprendra par exemple que Hélurani, un autre charançon, Dorytimus taeniatus, en islandais Viðirani, peut être rencontré en forêt. Il aurait été présent bien avant la colonisation.

 

Notre journée se termine par le passage dans le fjord de Reyðarfjörður, histoire de voir cette fonderie d’aluminium tant contestée, avant retour à Egilsstaðir pour une seconde nuitée.

 

A suivre

 

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