Cigale et bourdon

Publié le 28 Novembre 2020

Bourdon et fleur de trèfle © Roger Puff

Bourdon et fleur de trèfle © Roger Puff

Christophe Chauvet, le directeur musical de notre concert "Notes d'Insectes" qui malheureusement n'aura pas lieu cette année, a déniché une truculente opérette "Cigale et Bourdon" en un acte qui aurait été jouée en 1878 au Théâtre Taitbout à Paris. Le livret, daté de 1880, est conservé à la BnF. J'ai eu envie de vous en donner quelques fragments. Malheureusement ce ne sera pas en musique.

L'extrait correspond à la chansonnette avec laquelle le Bourdon se présente à la Cigale. Pour ne rien vous cacher, ce sont deux personnages déguisés respectivement en bourdon, évidemment le monsieur, et en cigale, bien sûr la dame, qui se rencontrent et vont bien sûr flirter comme on peut s’y attendre.

Bourdon sur delphinium © Roger Puff

Bourdon sur delphinium © Roger Puff

Le livret est de Jenny Touzin et de Jacques Maillet. Que sait-on d'eux ? Pas grand-chose sur l’état-civil de Jenny Touzin, dont on connait surtout un ouvrage de cuisine : "La Sauce", sous-titré "la cuisine chez soi hygiène, simplicité, délicatesse, cuisine des célibataires, cuisine des diabétiques, avec préface et étude des falsifications alimentaires et de leurs résultats, par le Dr Foveau de Courmelles". Vous pouvez consulter cet ouvrage sur Internet et, si le cœur vous en dit, vous lancer dans une recette ou l'autre. Et comme souligne l’auteure :

"Ayant dit, je n'ai plus qu'à prescrire l'usage d'un bon fourneau, à gaz ou à charbon, avec four. Ces conditions réunies, vous ferez une cuisine à s'en lécher les doigts."

Gallica.bnf nous donne deux autres œuvres de Jenny Touzet. Elles sont en vers et d’inspiration religieuse, toutes deux datées de 1873 : "Jésus et Magdeleine" et "L’Apocalypse de 1873".

Bourdon sur fleur de roncier © Roger Puff

Bourdon sur fleur de roncier © Roger Puff

Tenu par ses descendants, un excellent site internet sur Jacques Léonard Maillet (1823-1894), son co-auteur, nous en dit plus sur ce dernier. Il était sculpteur et avait remporté à 18 ans le Prix de Rome. Il a notamment contribué à la statuaire de l’Hôtel de Ville, de l’Opéra et du Louvre à Paris. Ses œuvres d’inspiration mythologique ou biblique sont présentes dans de nombreux musées. Le site nous dit également que deux ans avant sa mort, étant veuf, il a épousé Jenny Touzin, sans doute veuve également, qui, précise le site internet se trouv[ait] à cette époque en si mauvaise santé qu’elle ne peut se déplacer et que son mariage doit être célébré à son domicile.

Quant à la musique elle est de A. Godefroy. On ne le connait que par cette opérette et par trois autres compositions présentes sur Gallica.bnf : "C'est p't'êtr' bêt' mais j' n'en rougis pas", une chanson comique pour à couplets parue en 1872, un amphigouri dramatique "Les Acteurs de Paris", tous deux sur des paroles de E. Sanglier et publiés en 1872, ainsi qu’une valse chantée "Le Carnaval de Nice", paroles de O. Pradels, datée 1886. Nous n’en dirons pas plus.

Bourdon sur lys © Roger Puff

Bourdon sur lys © Roger Puff

Refrain

Je suis le bourdon
Joli folichon
De fleur en fleur je voltige :
Je suis le bourdon,
En vrai Cupidon,
Pas une, je ne néglige.

1er couplet

Je suis favori du soleil
Comme la cigale et les roses
En volant de la terre au ciel,
Je leur bourdonne bien des choses.
Aussi léger qu’un papillon,
Je suis têtu comme un bourdon ;
Mais qu’on m’entrave en mes amours,
Je sais me défendre toujours.

Pendant la ritournelle il poursuit la Cigale qui passe à droite (Imitation du bruit du bourdon)

Bourdon sur fleur de rhododendron © Roger Puff

Bourdon sur fleur de rhododendron © Roger Puff

2ème couplet

Je sais admirer des bourgeons
La suave et riche jeunesse,
J’aime à voir sous les rayons
Embaumer l’air qui les caresse.
J’aime encor, cigale, ô ma sœur !
J’aimerais à troubler ton cœur.
Mais qu’on m’entrave en mes amours,
Je sais me défendre toujours.
Bourdon terrestre au prise avec une thomise © Roger Puff

Bourdon terrestre au prise avec une thomise © Roger Puff

En fait ces couplets ne seraient pas ceux qui étaient initialement prévus par les librettistes. Ces derniers auraient été censurés, sans doute jugés un peu trop grivois. Mais le document conservé à la BnF nous les donne et vous allez pouvoir juger par vous-même. 

Je sais savourer le doux miel
Que distille pour moi les roses,
Tout plein des rayons du soleil
Je leur bourdonne bien des choses ;
Aussi léger qu’un papillon,
Je sais jouer de l’aiguillon
Mais qu’on m’entrave en mes amours,
De mon dard je pique toujours.

 

Bourdon sur Cardère © Roger Puff

Bourdon sur Cardère © Roger Puff

Je fais entrouvrir les bourgeons
Sous mon amoureuse caresse
C’est moi qui revêts les boutons
De l’incarnat de la tendresse
C’est encor moi qui, de la fleur
Fais gonfler et craquer le cœur ;
Mais qu’on m’entrave en mes amours,
De mon dard je pique toujours.
L'abeille et la rose © Roger Puff

L'abeille et la rose © Roger Puff

Pour conclure voici le refrain de la chanson de la Cigale, mais vous serez dispensés des couplets qui n’ont pas le piquant de ceux du Bourdon.

Je suis la cigale
Je chante la nuit et le jour
C’est moi qui signale
L’heure favorable à l’amour

Jeu de ailes et imitation des stridulations de la cigale

Cerise sur le gâteau, voici deux vers extraits de "Jésus et Magdeleine" où l’on retrouve un hyménoptère que nous aimons bien :

Le feuillage frémit, l’abeille qui bourdonne
Caresse doucement la mousse qui frissonne

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