Jean-Henri Fabre, un homme d’exception
Publié le 14 Novembre 2020
Notre ami Joël Tribhout nous fais part de sa visite à l'Harmas, la maison de Jean-Henri Fabre.
Après ce très agréable séjour dans les Monts ardéchois, nous prenons la direction de Sérignan du Comtat dans le Vaucluse. Je ne pouvais faire l’impasse sur le musée et le jardin où séjourna Jean-Henri Fabre (1823-1915), pendant les 36 dernières années de sa vie. Ses écrits sur le comportement des insectes dans « Souvenirs entomologiques » sont une source d’informations inépuisables qui alimente chacune de mes rencontres avec les insectes et autres.
Ce domaine d’environ un hectare, il l’achète en 1879. Il comprend un mas ou bastide et une terre en friche que l’on appelle « Harmas » en provençal.
Après sa mort en 1915, le Muséum national d’Histoire naturelle acquiert en 1922 l’Harmas. En 1998 le domaine a été classé au titre des monuments historiques.
En cette fin du mois d’août l’immense parking est désert et c’est une bonne chose pour apprécier ce site chargé d’histoire.
J’ai hâte de découvrir ce lieu que je connais uniquement par des photos. On peut très bien imaginer l’environnement de l’Harmas à l’époque de Fabre. C’était la dernière maison du village, alors qu’aujourd’hui les constructions ont envahi l’espace.
Voici enfin l’entrée où l’on est accueilli par un panneau ou le portrait de cet homme nous souhaite la bienvenue. Je suis tout excité et ému de me retrouver dans ce lieu emprunt de son souvenir.
Ce que je vais découvrir n’est qu’émerveillement et restera à jamais gravé en ma mémoire. Sur la façade de la maison rose au volets verts, une cigale et une libellule en fer forgé entourent la porte d’entrée. Aujourd’hui, le mistral souffle très fort et le chant des cigales s’est tu mais il suffit d’un peu d’imagination pour les entendre cymbaliser, ce qui avait le don, certaines journées, d’agacer Jean-Henri Fabre.
Il faut savoir qu’en 1999, un an après son classement au titre des monuments historiques, des travaux de restauration allaient être réalisés sous le contrôle du ministère de la Culture, sous l’égide de l’architecte en chef Didier Repellin.
Auteur du livre « Jean-Henri Fabre en son Harmas de 1879 à 1915», Anne-Marie Slézec fut chargée de 1999 à 2007, du projet de restauration et de la réouverture au public de la maison de Jean-Henri Fabre. Si le lieu n’est pas spécialement beau, dit elle, il fallait exprimer et transmettre un message scientifique, faire revivre trente six années de la vie d’un homme, son message, son univers.
Effectivement, tout au long de la visite on ressent le souffle de cet homme.
La première pièce que je découvre c’est la salle à manger qui a été restaurée mais qui nous replonge au 19ème siècle dans l’univers de notre entomologiste. Son chapeau de feutrine noir posé sur la table nous laisse à penser qu’il s’est absenté pour quelques instants.
Il faut savoir que cet homme d’exception était un génie. En plus d’être entomologiste et naturaliste, il avait un curriculum vitae impressionnant. Instituteur, il a rédigé plus de 80 manuels scolaires lui assurant ses principaux revenus mais également savant, artiste, peintre, musicien, poète, il a obtenu de nombreux diplômes, titres et autres distinctions.
Je m’arrêterai ici car la place me manquerait pour faire l’étalage de son savoir. Il vous suffira de lire sa biographie rédigée par son ami et protecteur Georges Legros, ainsi que de nombreux livres relatant sa vie.
Mais continuons la visite qui nous emmène au premier étage à la découverte de son cabinet de travail qui est restitué à l’identique. Juste avant, on ne peut qu’admirer l’affiche du film « Monsieur Fabre » réalisé en 1951 et interprété par ce formidable acteur, Pierre Fresnay.
J’ai hâte de me replonger avec délectation dans la vie de ce savant
Sitôt la porte franchie, c’est l’émerveillement devant toutes les collections du maître. On ne sait plus où donner du regard. Des centaines d’insectes de l’infiniment petit au plus gros sont épinglés et étiquetés dans quatre-vingts boîtes de verre. De nombreuses espèces lui ont été envoyées de l’étranger. Et oui ! On peut dire que Fabre avait des gens qui étudiaient les insectes sur place et ils envoyaient ensuite leurs observations et les spécimens à l’Harmas.
Collection de coquillages, de papillons, cloches d’observations pour l’étude du comportement des insectes tels les Grands Paons mais aussi un important herbier général et local de la flore de France.
Le confort pour ces observations n’était pas une priorité pour cet homme. Il était souvent debout ou alors assis à son minuscule bureau qu’il déplaçait à sa guise en fonction de la lumière. Quand il réfléchissait il tournait autour de sa « petite table » et ainsi se formait un cercle matérialisant ses passages sur le carrelage.
Dans ses Souvenirs entomologiques il personnalisait sa table en disant : « tu t’en iras en fumée rejoindre mon labeur, dans cette autre fumée, l’oubli, ultime repos de nos vaines agitations. »
Fabre a passé de nombreuses heures dans son cabinet avec les insectes car ne pouvant les observer dans leur milieu naturel, il construisit ou fit construire plusieurs appareils d’observation. « Observer, c’est déjà quelque chose mais ce n’est pas assez : il faut expérimenter, c’est-à-dire intervenir soi- même et faire naître des conditions artificielles qui mettent l’animal dans la nécessité de nous dévoiler ce qu’il ne dirait pas, livré au courant normal. »
Je dois avouer, lors de mes sorties photographiques, avoir fait quelques expériences pour comprendre comment certaines araignées s’enfermaient dans leur cocon avec les Araignons et que je retrouvais morte quelques semaines plus tard dans ce même cocon soyeux, une fois leur progéniture partie. Alors merci Monsieur Fabre d’avoir suscité ma curiosité.
Mais là ne s’arrêtait pas son talent et sa passion pour la nature. Quand arrivait l’hiver et pour s’occupait, il s’intéressait aux champignons. Il peindra près de 600 planches d’aquarelles de grande qualité. Fabre est aussi horticulteur, expérimentateur, acclimateur en son jardin.
C’est justement dans ce jardin que se termine la visite. En ce mois d’août la végétation n’est pas à son avantage et les insectes se font rares. Mais il y règne quand même une douce quiétude. Le bassin, point central du jardin invite à l’évasion. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre Jean-Henri Fabre nous conter une de ses nombreuses poésies.
Avant de quitter ce lieu que je qualifierai de magique pour tous ceux dont les insectes ne laissent pas indifférents, je m’arrête de longues minutes à la bibliothèque en quête de documents où livres qui occuperont mes longues soirées d’hiver et de confinement.
C’est promis, je reviendrai au printemps.
Joël Tribhout