Des insectes en musique pour le 4ème "Notes d'Insectes"

Publié le 26 Novembre 2018

Voilà des mois que ce concert se prépare, que l’on recherche des airs et des mélodies, que les artistes enfin les répètent.

Des insectes en musique pour le 4ème "Notes d'Insectes"

Le 25 novembre arrivé, la 4ème édition du concert "Notes d’Insectes" de L’Agrion de l’Oise peut se tenir et, cette année, c’est pour la 1ère fois dans la très belle et très confortable salle de La Manekine à Pont-Sainte-Maxence.

Qui plus est le concert se place dans la cadre du Festival en Voix des Hauts-de-France et au cours d’un week-end bien rempli titré "La Manekine fête la Voix". Le vendredi soir deux chorales, le Chœur des Aulnes et le Chœur des Trois Forêts, se sont produites en avant-scène de l’ensemble Aedes.

Aedes, un superbe ensemble dirigé par Mathieu Romano, mais si un aede chez les anciens grecs est un chanteur d’épopée, aedes chez les latins signifie aussi le foyer, la maison, et même et surtout chez le poète latin Virgile la ruche… Ne nous égarons pas sur un autre sens - et une autre étymologie, ce serait trop long d’en parler. Et oui Aedes (Meigen, 1818), c’est aussi un ensemble d’espèces de Culicidae, autrement dit de moustiques, avec notamment le célèbre Aedes albopictus, à savoir le moustique-tigre. Mais rien à voir avec cet ensemble de chanteurs qui nous a enchantés vendredi soir. Le dimanche matin, la Manekine affiche un "Atelier Ephémère voix" pour des master classes avec Jeanne Dambreville pour choristes petits et grands. Ephémère, sans aucun doute – pourquoi pas ? - pour faire référence à cet ordre d’insectes aujourd’hui bien menacé par pollution lumineuse et pollution chimique.

Tout naturellement "Notes d’Insectes" ne peut que prendre sa place dans ce programme alléchant pour donner voix aux insectes.

Pendant que se déroulent les master classes matinales, le piano arrive et est accordé, le décor – de grandes photos de papillons et d’abeilles – est installé tandis que les artistes répètent. 

A 15h45, Le Chœur des Aulnes, qui avait été une des vedettes de la toute 1ère édition de "Notes d’Insecte" en 2015, propose dans Le Club une nouvelle avant-scène ou un before si vous préférez.

Des insectes en musique pour le 4ème "Notes d'Insectes"

Le public se presse à présent dans le hall du théâtre décoré par les photos de la 5ème édition de notre concours « Insectes de France ». Une vidéo tourne en boucle avec les photos des lauréats des années précédentes. A 16h15, la grande salle ouvre ses portes et le public peut faire son entrée. La salle se remplit rapidement. Belle affluence de nature à satisfaire pleinement les organisateurs.

Pascal Reverte et Roger Puff

Pascal Reverte et Roger Puff

Pascal Reverte, directeur artistique de la Manekine, introduit le spectacle. Puis Roger Puff, président de l’Agrion de l’Oise, remercie tous ceux sans qui rien n’aurait pu être fait : la Manekine et ses équipes, la Communauté de Communes Pays d’Oise et d’Halatte, le Département de l’Oise et la Région Hauts-de-France. Il aurait plein de choses encore à dire sur cette manifestation musicale, sans doute la seule qui soit 100% dédiée aux insectes, qui se tient pour la 4ème année consécutive avec un programme toujours renouvelé.

Ils ont bien besoin les insectes qu’on fasse parler d’eux. Il y en a de moins en moins et leur déclin est un indicateur indéniable de la dégradation de notre environnement.

Mais place à la voix, place aux sauterelles, grillons, criquets et cigales, place aux coccinelles, aux libellules, aux papillons et aux abeilles. Place au vaste et merveilleux monde des insectes.

Emeline Moxel, accordéon, et Joël Tribhout, conteur

Emeline Moxel, accordéon, et Joël Tribhout, conteur

C’est par son très beau texte, Le Carnaval des insectes, où Des centaines de coccinelles colorées / Dansent une samba endiablée, que Joël Tribhout - reporter, photographe et poète, fabuliste même – lance le spectacle. Son texte est souligné par Emeline Moxel interprétant à l’accordéon un Carnaval de Venise de circonstance, arrangé par Pietro Fronsini (1856-1951).

Le Choeur d'enfants dirigé par Clémence Varin

Le Choeur d'enfants dirigé par Clémence Varin

et accompagné par Christophe Chauvet

et accompagné par Christophe Chauvet

Et puis vient le Chœur d’enfants du Conservatoire intercommunal Adam de la Halle, admirablement formé et dirigé par Clémence Varin, qui lance tout le public dans une chasse aux moustiques avec La balade du Moustique du groupe Zut. Il poursuit, accompagné par Christophe Chauvet au piano, par La Puce et le Pianiste d’Yves Duteil. Christophe, le dit pianiste, est, il faut le souligner, le directeur artistique de "Notes d’Insectes" depuis sa création en 2015.

Faustine Picco, soprano, accompagnée au piano par Christophe Chauvet

Faustine Picco, soprano, accompagnée au piano par Christophe Chauvet

Il est ensuite question de coccinelles et de papillons. Et c’est une jolie libellule, ou plutôt une jolie demoiselle, ne confondons pas anisoptères et zygoptères, qui va nous en parler. Faustine Picco, accompagnée par Christophe, nous offre – Dans le jardin multicolore et Comme un vol de papillons, deux mélodies extraites de Chansons printanières de Georges Hüe (1858-1948), un compositeur, élève de Gounod et de Franck, admiré par Debussy et Fauré, mais bien injustement oublié. Les poèmes sont de Jean Bénédict (1867-1914), dont malheureusement on ne sait pas encore grand-chose. Soulignons que Faustine a débuté sa formation musicale chez les Demoiselles de la Légion d’Honneur, cela justifie bien qu’on la qualifie de joli odonate.

C’est aussi cela "Notes d’Insectes", faire découvrir des œuvres et des compositeurs oubliés ou méconnus, parmi les œuvres dédiées aux insectes que recherchent inlassablement Christophe et nos artistes.

Puis Faustine et Christophe nous font entendre, sur un poème de Charles Leconte de Lisle (1818-1894), une mélodie de César Cui (1835-1918), un compositeur russe ayant fait partie du fameux Groupe des 5, avec Balakirev, Borodine, Moussorsky et Rimsky-Korsakov, le compositeur du fameux Vol du Bourdon, hyper connu celui-là - qu’il faudra un jour redonner pour "Notes Insectes".

Emeline Moxel

Emeline Moxel

Nous retrouvons Emeline Moxel et son accordéon dans Papillons noirs, un air de musette de Jo Privat (1919-1996), qui a fait les belles nuits de la rue de Lappe au Balajo, près de la Bastille. La salle grouillait de monde, mais on n’y faisait pas la chenille, c’est la java qui donnait des fourmis dans les jambes des danseurs.

Christophe Chauvet accompagne Joël Tribhout

Christophe Chauvet accompagne Joël Tribhout

Puis Joël Tribhout nous conte sa fable La Libellule et la Grenouille, un autre odonate  - charmante demoiselle aux ailes de dentelle - confronté à un redoutable amphibien, qui n’en ferait bien rien qu’une bouchée, devenue friandise excitant sa gourmandise. Sa fable est sous-tendue, éclairée devrait-on dire, au piano de Christophe par Les Lucioles de Wilfrid d’Indy, l’oncle de Vincent d’Indy, que l’on connait un peu mieux.  Ces lucioles, que l’on voit malheureusement de moins en moins dans le nord de la France d’après les résultats de la dernière étude participative de l’Observatoire des vers luisants et des lucioles.

Faustine Picco accompagnée par Emeline Moxel

Faustine Picco accompagnée par Emeline Moxel

Et à présent c’est à nouveau Faustine, accompagnée cette fois-ci par Emeline. Elles proposent L’Abeille de Emile-Jules Bret (1824-1891), un compositeur suisse de Genève, venu à Paris à l’appel de Meyerbeer, pour y composer des opéras, entre autres bibliques dit-on. Le poème est d’un certain Malan, probablement César Malan (1787-1864), un pasteur suisse compositeur de cantiques, mais nous ne pouvons le certifier. Il faudra donc les écouter religieusement., sans qu’on puisse entendre une mouche voler…

Puis ce sera, toujours par Faustine et Emeline, La Coccinelle de Victor Hugo (1802-1885), mise en musique par Camille Saint-Saëns (1835-1921), qui, on ne le sait pas assez, entomologiste amateur se passionnait pour les insectes. Il avait rapporté une collection de criquets de son voyage en Afrique du Nord. Les dermestes et les lépismes ont dû les dévorer, car on a perdu la trace de cette collection.

Camille Carpentier à la flûte piccolo

Camille Carpentier à la flûte piccolo

Camille Carpentier, à la flûte piccolo, prend la suite avec deux pièces extraites de la suite Insectes de Jean-Michel Damase (1928-2013), un pianiste et compositeur contemporain, qui nous a récemment quittés. Dommage qu’il n’ait pas sous-titré ses pièces, mais il laisse ainsi place à l’imagination. A chacun de découvrir quelles bestioles il a voulu évoquer.

Joël Tribhout

Joël Tribhout

Joël Tribhout nous conte à présent Le Blues de la Cigale, qui lassée de frotter ses cymbales pour séduire sa bien aimée […] rêve de faire le tour de la Terre. Le cafard de cette pauvre cigale est superbement accompagné par Emeline par toute la nostalgie de L’Enfant démon, un air de Claude Thomain, qui a été l’accompagnateur de Mouloudji et qui dirige l’orchestre d’accordéons de Savoie.

Emeline Moxel et Christophe Chauvet accompagne le Choeur d'enfants du CIAH

Emeline Moxel et Christophe Chauvet accompagne le Choeur d'enfants du CIAH

La cigale revenue de ses voyages lointains se retrouve avec le Chœur d’enfants. Et c’est dans La Cigale et la Fourmi, la plus que célèbre fable entomologique de ce cher bon vieux La Fontaine (1621-1695), si souvent mise en musique. Ici la musique, très entrainante et enjouée, est de Claude Torrent, compositeur contemporain, instituteur, puis directeur d’école, chef de chorale d’enfants lui-même. L'accordéon d'Emeline et le piano de Christophe accompagnent les enfants avec beaucoup d'allant.

Christophe Chauvet, Joël Tribhout, Emeline Moxel

Christophe Chauvet, Joël Tribhout, Emeline Moxel

Puis Joël nous fait part de La Complainte des Abeilles … Pauvres abeilles, soumises à la pollution meurtrière, et encore, Joël ne n’a pas évoqué les néonicotinoïdes, le varroa, le redoutable frelon asiatique… Le peuple des abeilles s’éteint […] l’humain devra payer l’addition.

Sa complainte est portée par Christophe et Emeline, avec la magnifique et mélancolique Romance tirée d’un opéra de Dmitri Chostakovitch (1906-1975), Ovod en russe, plus connu en anglais par The Gadfly. Le Gadfly, c’est le taon, ce redoutable diptère hématophage. En fait l’opéra ne parle aucunement de mouche, sauf à parler de mouche du coche, car on peut traduire Gadfly par l’enquiquineur, l’empêcheur de tourner en rond. Ah ! cette fichue pollution qui empêche les abeilles, non pas de tourner en rond, mais bien de retrouver le chemin de leur ruche.

Camille

Camille

Nous retrouvons Camille et son piccolo pour la 2ème partie d’Insectes de Jean-Michel Damase. Et toujours aucune information sur l’identité de ces insectes, mais on entend par les notes du piccolo qu’ils sont bien nombreux dans une nature encore généreuse. En sera-t-il toujours ainsi ?

Christophe Chauvet annonce une création "mondiale" par Faustine Picco

Christophe Chauvet annonce une création "mondiale" par Faustine Picco

Christophe, s’installant au piano, annonce trois mélodies que chantera Faustine.

La première, L’Abeille et la Guêpe, est une histoire de dards, que l’abeille conclut ainsi crânement  : Nous avons une arme pareille, / Mais pour des emplois différents : / La vôtre sert votre insolence, / La mienne repousse l'offense ; / Vous provoquez, je me défends. C’est une fable de Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794), fabuliste qui pâtit de l’ombre que lui avait faite La Fontaine, venu au monde 130 ans avant lui. La fable a été mise en musique il y a à peine deux mois par Bruno Gousset, un des professeurs de Faustine, tout spécialement pour elle et pour nous ce soir. C’est donc, il faut le dire, une création mondiale. Merci Monsieur Gousset.

Faustine Picco

Faustine Picco

La seconde Mignonne – où une abeille fait de la figuration - est de Gabriel Pierné (1863-1937), sur un poème d’Alphonse Labitte (1852-1931), dont "Notes d’Insectes" a proposé Souvenirs d’une nuit, un poème plein d’insectes de tous ordres en 2017 et Ne méprisez pas les insectes, un texte de vulgarisation scientifique en 2016. Ce personnage a d’abord été un jeune poète lamartinien d’inspiration, dont les poèmes ont été mis en musique par une vingtaine de compositeurs. Il a été l’ami de Saint-Saëns et de Massenet. Il a ensuite été critique d’art, puis rédacteur en chef du Progrès de l’Oise à Compiègne, puis enlumineur et à presque 60 ans enfin entomologiste attaché au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris.

La dernière mélodie, Le Grillon, est justement un poème d’Alphonse de Lamartine (1790-1869) qu'interprète Faustine avec virtuosité sur une musique enjouée et rythmée de Georges Bizet (1838-1875).

Mille milliards d'insectes, vingt petits choristes et Clémence Varin

Mille milliards d'insectes, vingt petits choristes et Clémence Varin

Le concert se termine en beauté par Mille milliards d’insectes évoqués par les vingt très jeunes et talentueux choristes de Clémence Varin, qui ont donné un remarquable spectacle et que le public applaudit à tout rompre comme il se doit.

les applaudissements se poursuivent avec les solistes qui viennent les rejoindre sur scène.

Merci aux artistes, merci à la technique, merci au public.

Fin du concert

Fin du concert

Mais minute papillon, tout concert se termine toujours par des bouquets de fleurs. Les bouquets de l’Agrion de l’Oise, c’est la tradition depuis le premier "Notes d’Insectes" en 2015 – sont en fait des fleurs sublimées en un succulent miel par nos amies, ces chères abeilles.

Bravo les abeilles, bravo les artistes.

Au fait savez-vous que pour récolter 1 kilo de miel, il faut 6000 abeilles, qui butinent plus de 800 000 fleurs ! Et les abeilles doivent parcourir 40 000 km, soit le tour de la Terre.

 

Mais il reste encore le pot de l’amitié pour savourer ensemble tout le miel de ce beau concert.

 

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