Publié le 18 Février 2016

Comme on commence à parler des chenilles processionnaires dans le sud de la France, j'ai retrouvé dans le Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Tome XII, édité à Paris chez Belin-Mandar en 1834 l'article chenille. Il est signé Z. Ce n'est pas Zorro, c'est certain, mais je n'ai pas pu identifier l'auteur.

Voilà ce que l'article nous dit :

"Ce nom dérive de chaîne, suivant certains étymologistes, aurait aussi pour radical le mot latin canicula, diminutif de canis, chien, à cause, dit Ménage, de la ressemblance qu’ont certaines chenilles avec de petits chiens. Le poète Antiphanes, dans l’Anthologie manuscrite, désigne la chenille sous le nom grec kuno, chienne. […] Quelle que soit la véritable origine de ce nom, sur laquelle il serait inutile de s’arrêter plus longtemps, nous ferons d’abord remarquer qu’il est fréquemment employé dans le langage usuel et dans celui de l’entomologie, branche de l’histoire naturelle qui traite des insectes. Il désigne vulgairement un insecte à plusieurs pieds, qui ronge les feuilles des arbres, et qui se change en papillon. En entomologie, on nomme ainsi les larves des insectes lépidoptères […]."

"Les chenilles sont, en général, un objet de haine pour l’économiste agriculteur, en raison des pertes qu’elles lui font éprouver. Ainsi dit-on figurément et familièrement d’une personne qui se plait à mal faire, que c’est une méchante chenille. Mais pour le physiologiste et le naturaliste philosophe, ces animaux deviennent un sujet d’observation qui leur révèle les faits les plus susceptibles d’exciter et de satisfaire leur curiosité. […]"

chenille du damier du frêne Euphydryas maturna @Thierry _Frayon

chenille du damier du frêne Euphydryas maturna @Thierry _Frayon

"Les distinctions les plus importantes à établir entre Les nombreuses espèces de chenilles doivent être fondées sur les classifications des insectes parfaits ou des lépidoptères, qui sont la forme la plus parfaite de leur organisation et leur dernier état. Les unes sont destinées à devenir des lépidoptères diurnes, les autres se transformeront en chrysalides de papillons crépusculaires ; enfin les troisième finiront par être des lépidoptères nocturnes. L’impossibilité de poursuivre ici les caractères différentiels des chenilles en suivant l’ordre des familles nous détermine à énumérer rapidement les dénominations de chenilles rases ou sans poils, chenilles à livrée (à coloration par bande), chenilles chagrinées, avec ou sans corne à l’arrière, épineuses, tuberculeuses, velues à poils courts ou ras, ou longs ; chenilles à brosse, chenilles à mamelons, les uns ras, les autres velus ou pourvus d’une corne en Y en avant ; chenilles cloportes, celles dites géomètres, arpenteuses ou arpenteuses en bâton, les semi-arpenteuses, les chenilles processionnaires, les rouleuses, les plieuses de feuille, les sociétaires et les solitaires. Toutes ces distinctions, consacrées par la nomenclature des entomologistes, sont fondées sur des caractères anatomiques et sur des particularités de mœurs dans le détail desquels nous ne devons entrer ici ; mais nous ne pouvons nous dispenser d’indiquer en quoi les chenilles nous sont nuisibles, quels sont leurs ennemis, et les ressources qu’elles fournissent à l’industrie."

chenille la Pudibonde, Calliteara pudibunda  @Elise_Chevrier

chenille la Pudibonde, Calliteara pudibunda @Elise_Chevrier

"Il est facile de se rendre raison des dégâts causés par ces animaux, en observant que la plupart se nourrissent des feuilles des végétaux, qu’il en est qui dévore les fleurs, les racines, les boutons, les graines et le bois même le plus dur, qu’ils ramollissent au moyen d’une liqueur qu’ils dégorgent, et que certaines espèces rongent nos pelleteries, nos étoffes de laine, nos draps, le cuir, la graisse, la cire er le lard. On a remarqué que plusieurs se nourrissent d’une seule matière, et qu’il en est qui attaquent diverses espèces de plantes ou d’autres substances. Ce sont donc réellement pour nous des ennemis domestiques très préjudiciables. Le sentiment de haine qu’on leur porte est donc bien fondé, et pour prévenir leurs ravages, la loi prévoit même d’écheniller en temps utile les arbres et les haies. L’homme figure donc le premier parmi les ennemis des chenilles. Les fortes gelées d’hiver, les pluies froides du printemps en font mourir une partie. Parmi les oiseaux qui leur font une guerre continuelle et en détruisent des quantités prodigieuses quand elles sont jeunes, il faut surtout compter le rossignol, la fauvette, le pinson et le moineau pendant ses nichées, pour lesquels elles sont un mets friand. Elles sont aussi la proie des grenouilles et des lézards. "

chenille du machaon Papilio machaon @Dominique_Pinaud

chenille du machaon Papilio machaon @Dominique_Pinaud

"On a encore remarqué parmi les espèces qui ne vivent pas en société deux espèces dont les individus sont capables de s’entre-manger. La punaise des bois, la guêpe, surtout la larve d’un carabe sont d’autres ennemis de ces animaux. Certaines larves se tiennent sur leur corps et les percent pour pouvoir les sucer. Enfin, les ichneumons déposent leurs œufs sous la peau des chenilles ou dans les œufs même des papillons, et leur larve dévore ainsi la chenille avant sa naissance ou la chrysalide. Pour prévenir les inconvénients de la prodigieuses fécondité de ces chenilles et de leur trop grande multiplication, la nature leur a opposé comme on voit un nombre prodigieux d’ennemis destructeurs."

Gravure de l'Encyclopédie de Diderot et de d'Alembert, montrant les étapes de la sériciculture

Gravure de l'Encyclopédie de Diderot et de d'Alembert, montrant les étapes de la sériciculture

"Mais il était réservé à l’homme de multiplier à son gré l’espèce qui lui fournit les soieries, et que l’on connait sous le nom de ver-à-soie, de retirer du corps de certaines chenilles la matière qui sert à faire des vernis admirables, et d’obtenir à l’aide de procédés ingénieux la substance soyeuse, sous forme de filaments très solides et transparents, que les pêcheurs ajoutent à l’extrémité de la ligne où se trouve l’hameçon. Ces filaments sont connus dans le commerce sous le nom de racines, et dans le midi de la France, sous celui de fils ou poils de Messine. L’idée singulière de faire avec les vernis soyeux des étoffes qui ne seraient nullement tissues a été émise. En étudiant avec soin toutes les espèces de chenilles qui pourraient être utilisées, l’industrie humaine pourra faire de nouvelles conquêtes."

Pour le moment on en est toujours au ver à soie, chenille du Bombyx du murier.

Mais pour terminer voici une annonce que j'ai dénichée dans un journal de janvier 1900, La République de l'Oise.

Des chenilles à la soie

Ou comment se passer des vers à soie, tout en restant dans les produits naturels.

Soieification : le terme n'est pas resté

En revanche la soie artificielle avait déjà été inventée quelque temps auparavant, en 1884, des chimistes français, Hilaire de Chardonnet et Auguste Delubac, qui préparaient une soie artificielle à partir de cellulose.. La viscose a été brevetée en 1892 par des anglais, Cross, Bevan et Beadle fabriquée à partir de pulpe de bois. La rayonne et la fibranne seront fabriquées à partir de fibres de viscose.

La fabrication consiste à dissoudre dans un mélange chimique des produits à base de cellulose (déchets de coton ou de tissus, sciure de bois). Puis de faire passer le mélange à travers une filière, à la sortie de laquelle on obtient des fils solidifiés. Ces produits ont eu un grand développement dans le textile et les éponges, notamment.

C'était sans doute un procédé de ce type qui était proposé sous le nom barbare de soieification par notre ingénieur-chimiste.

Mais là on est bien loin des lépidoptères...

chenille de l'écaille du seneçon Tyria jacobaeae @Françoise_VandeWiele

chenille de l'écaille du seneçon Tyria jacobaeae @Françoise_VandeWiele

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