D'un fjord à l'autre ©Roger Puff
Ce matin nous quittons Egilsstaðir pour la région de Höfn. Nous allons ainsi compléter notre découverte des fjords du Sud-Est. Le temps est maussade, gris et froid.
Mais nous avons un tunnel à franchir pour passer de Reyðarfjörður à Fáskarúdsfjörður, tunnel sans péage cette fois-ci. Surprise au débouché : le ciel est dégagé, on peut presque dire qu’il fait beau.
Cimetière des marins français de Fjarðabyggð ©Roger Puff
C’est la petite ville de Fjarðabyggð qui nous accueille. Elle est jumelée avec Gravelines et les plaques des rues sont libellées en islandais et en français : Hafnargata, rue du port, Skólavegur, chemin de l’école…. Le port était un point d’attache des pêcheurs normands venus de Paimpol. L’hôpital construit par ces pêcheurs a été reconstitué. Une statue dédiée aux marins naufragés du Pourquoi Pas ? IV du Commandant Charcot, péris en mer au large de l’Islande en 1936, jouxte le bâtiment. Plus loin dans le fjord vers la mer, on découvre un émouvant cimetière, entouré de lupins, où reposent de nombreux marins français. Des plaques nous donnent leurs noms et un passage du poème Les goélettes de A. Cantel y figure dans les deux langues : ”Elles étaient une centaine qui s’en allaient tous les printemps, au grès des flots, au grès des vents, là-bas, vers l’Islande lointaine”.
peinture murales dans les lupins ©Roger Puff
Balade dans un village où des grapheurs ont décoré les bâtiments et installé une résidence d’artistes.
J’y immortalise un minuscule papillon. Est-ce Grasygla ? Cerapteryx gramini, la noctuelle du gramen ? Je dis cela parce qu’elle figure dans le bouquin acheté la veille… mais je me trompe à coup sûr, le papillon du livre est plutôt beige... Mais ce microlépidoptère ressemble fort à une teigne, par exemple Plutella xylostella, appartenant à la super-famille des Yponomeutoidea. Je donne ma langue au chat.
le port de Djúpivogur ©Roger Puff
Plus loin c’est Djúpivogur, un petit port de 350 habitants à peine mais manifestement plus touristique.
Moucherons sur pissenlit ©Roger Puff
Moucherons sur renoncules ©Roger Puff
Occasion de photographier quelques insectes.
Au pied du Skálafelljökul ©Roger Puff
Nous poursuivons notre étape, je passe sur Höfn, notre nuit se fera au pied du Skálafelljökul, un glacier du massif du Vatnajökull, le glacier le plus étendu du pays.
Une mouche familière ©Roger Puff
Tiens une belle mouche sur la vitre de la fenêtre
J’en profite pour vous parler des mouches islandaises plus en détail. Avant la colonisation, il y avait dans les zones humides les simulies et des mouches prédatrices. Dans les forêts, on pouvait rencontrer de petites mouches Egle podulparia, un diptère brachycère de la famille des Entomyiidae, que les Islandais nomment Rekifluga. Ce sont de petites mouches peu bruyantes, un peu agaçantes. Il y en a beaucoup sur les fleurs de pissenlits. On avait aussi Semudobia betulae, petit diptère nématocère de la famille des Cecidomyiidae, nommée Birkihnúðmý, ainsi que plusieurs espèces de diptères brachycères, Syrphidae, largement répandus en du nord de l’Eurasie : Blómsveifa, à savoir Syrphus torvus ; Snjáldursveifa, Platycheirus manicatus ; Letursveifa, le syrphe porte-plume Sphaerophoria scripta ; Blásveifa, Platycheirus cyaneus.
La colonisation, avec ses exploitations fermières et la pêche, a apporté d’autres espèces de diptères liées à la proximité de l’homme et du bétail ou du poisson : comme Phormia terraenovae, la mouche à viande (mouche bleue), Calliphora uralensis, la mouche du poisson, Cynomia mortuorum, la mouche des cimetières, Copromyza similis, la mouche à merde, Scatophaga stercoraria, la scatophage du fumier, … et j’en passe. Belle brochette.
Dans les prés, on trouve entre autres Hydrellia griseola, la mouche des céréales, un ravageur des cultures, Bibio pomonae, la mouche de Saint-Marc ou mouche de bruyère. J’en passe encore…
Vue sur le Vatnajökull ©Roger Puff
Le 11ème jour nous allons nous retrouver au pied des glaciers du Vatnajökull.
Ce papillon semble être Grasygla ? Cerapteryx gramini, la noctuelle du gramen, que j’avais cru voir hier ; en tout cas la couleur est plus crédible. Ou peut-être Crambus pascuella, le crambus des pâturages ?
Site du Jökulsárlón ©Roger Puff
Et voilà le fameux site du Jökulsárlón, où le glacier se fracasse et où ses icebergs filent vers la mer à 500 m de là par le chenal sous le pont routier. A l’embouchure une colonie de phoques se prélasse. Que vont devenir ces lieux dans quelques années avec le changement climatique ? Le même sort que Okjökull ?
Le temps est vraiment beau, mais la température n’a rien de caniculaire. On n’atteint pas les 18°C. On est bien.
Je ne vous raconterai pas toute cette belle journée où les glaçons ne manquaient pas pour un drink.
Mais d’abord grimpons vers la chute Svartifoss et ses colonnes basaltiques.
Microlépidoptère ©Roger Puff
Mouche encore ©Roger Puff
Mouche encore sur ombéllifère ©Roger Puff
Microlépidoptère sur pissenlit ©Roger Puff
Microlépidoptère ©Roger Puff
En chemin quelques belles rencontres entomologiques : des mouches, encore des mouches et quelques microlépidoptères.
Espèce de chrysomèle ©Roger Puff
Espèce de chrysomèle ©Roger Puff
Mais voici que je découvre de minuscules coléoptères dévorant les feuilles d’arbustes bordant le chemin. Apparemment c’est une espèce de chrysomèle, proche par exemple de Oreina geminata, plus petites que la galéruque de l’aulne ou la chrysomèle du romarin, que je connais mieux. Mon bouquin n’en parle pas, mais il n’est pas exhaustif. En revanche le bouquin présente Mariubjalla, une coccinelle à onze points, Coccinella undecimpunctata, endémique du Paléarctique, donc on a la même en France. A part le dytique dont on n’a parlé dans le premier article, et les charançons du Snæfell, on trouve d’autres coléoptères en Islande, comme Bembidion bipunctatum, un carabe, comme Aphodius lapponum, un bousier, ou encore comme Gabrius trossulus et Creophilus maxillosus, des staphylins.
Mouche sur chaton de saule ©Roger Puff
Et toujours des mouches...
Boite de papillons épinglés ©Roger Puff
Mais passons au Visitor Centre. Dans une boite de papillons épinglés, trônant dans un coin sous un poster d’oiseaux locaux, voilà un Vulcain et un Paon du jour et même la photo d’un Sphinx tête de mort. De quoi s’agit-il ? La légende sous le Sphinx nous apprend que depuis son enfance Hálfdan Björnsson, un naturaliste autodidacte, a observé les papillons de nuit et de jour à Kvisker, sa ferme au pied du glacier, et en a capturé. Nombre d’entre eux sont des migrateurs qui n’auraient jamais pu survivre sous le climat islandais. Cette collection est une archive unique des espèces qui ont été transportées par-delà les océans.
En 1941, Björnsson a découvert le Sphinx sur la plage près de sa ferme. Avec ses 14 cm d’envergure, c’est le plus grand lépidoptère jamais trouvé en Islande.
Ceci nous fait comprendre que nombre d’espèces n’ont pu s’implanter en Islande, même si les vents ou les transports maritimes ou aériens les y avaient menées. Et c’est certainement la raison pour laquelle, on ne trouve ni odonates ni fourmis. Et oui, ici les fourmis ne risquent pas de perturber votre pique-nique. Il n’y en a pas, pas plus qu’au Groenland ou au Spitzberg d’ailleurs. Le moustique-tigre aura encore un bon bout de temps à attendre avant de panique les Islandais.
La nuit sera passée dans un petit hôtel dans la campagne à Kirkjubæjarklaustur, au pied cette fois-ci d’un autre volcan-glacier, le Mýrdalsjökull.
Vue sur le Eyjafjölljökull ©Roger Puff
Le 12ème jour nous passons par Vik, un village de moins de 200 habitants mais avec des commerces dignes de nos grandes surfaces. Pas étonnant quand on sait qu’il n’y a pas d’autre localité dans un rayon de 70 km. Nous sommes à proximité de ce fameux volcán-glacier, Eyjafjölljökull, dont l’éruption a paralysé le trafic aérien mondial en avril 2010
Mouches pollinisant les fleurs d'angélique dominant la plage de sable gris ©Roger Puff
Gros plan : Est-ce bien Phaonia angelicae ? ©Roger Puff
Il n’y a pas que les lupins. En effet de grandes angéliques (Angelica archangelica) aux fleurs en ombelles les concurrencent ou s’y insèrent. Et ces ombelles sont peuplées d’armadas de mouches qui manifestement sont occupées à les polliniser en se gorgeant de nectar. Je n’ai pas réussi à identifier ces diptères bien qu’ils soient assez typés. Dans mes recherches j’ai trouvé Phaonia angelicae. Ce pourrait bien être cela. Merci aux spécialistes de me corriger au besoin.
Papillon indéterminé sur fleur d'angélique ©Roger Puff
Mais sur ces fleurs d’angélique on trouve d’autres insectes comme ce papillon. Je ne m’aventure pas dans son identification.
Au pied de Dyrhólaey ©Roger Puff
Cette région est remarquable pour ses longues plages de sable gris, mais aussi pour ses falaises et ses rochers découpés. Dyrhólaey est un promontoire de 120 mètres de haut, où nidifient des milliers d’oiseaux. Un macareux moine (ou puffin) vient me narguer mais je ne parviens pas à lui tirer le portrait.
chutes de Stogafos ©Roger Puff
Désolé mais je vais accélérer car il n’y a plus que des mouches sur des ombelles d’angéliques à photographier, alors nous passons par les chutes de Stogafoss.
Plus au nord ce sera le site de Geyzir, incontournable avec ses geysers qui jaillissent par intermittence.
Chutes de Gullfoss ©Roger Puff
Et pour finir la journée, les magnifiques chutes de Gullfoss.
Vue depuis l'Alþing sur la résidence d'été du premier ministre islandais ©Roger Puff
Le 13ème jour nous allons au parc national de Þingvellir, le site du premier parlement islandais, l'Alþing, établi en 930 sur la faille séparant les plaques tectoniques eurasienne et nord-américaine et au nord du Þingvallavatn, le plus grand lac d'Islande. La vue présentée ici est prise depuis la faille et nous montre la très modeste résidence d’été du premier ministre islandais.
Vu la taille du moucheron ©Roger Puff
Au bord du lac où nous avons pique-niqué, j’ai capturé ce moucheron impressionnant mais inoffensif. Je ne vous garantis pas qu’il ait survécu.
Et deux petites chenilles que je me garderai bien d’identifier.
Nous terminerons la journée sur le site de Blue Lagoon. Je passe… Il n'y aura pas de photos des dizaines de bus sur le parking ni des baigneurs sirotant leur brennivin dans les bassins d'eau chaude
Pont sur la faille ©Roger Puff
Le 14ème jour sera le dernier avant le retour. Ce sera l’occasion d’explorer la région volcanique au sud-ouest de Reykjavik à proximité de l’aéroport de Keflavik, avec tout particulièrement ce curieux pont symbolique sur la faille entre les plaques tectoniques eurasienne et nord-américaine.
Mouches sur angélique ©Roger Puff
Mouche sur fleurs mauves (Silene acaulis ?) ©Roger Puff
Bien sûr encore des angéliques et leurs nuées de mouches pollinisatrices avides de nectar, mais c’est avec cette mouche sur fleurs mauves que je terminerai ce voyage dans ce pays fantastique où les papillons sont minuscules, où les abeilles, les fourmis, les libellules et les demoiselles sont absentes, mais qui ne manque vraiment pas de mouches.
Attention aux sternes arctiques ©Roger Puff
J'oubliais : en photographiant les mouches, méfiez-vous des sternes arctiques... Portez un casque ou mieux, évitez leurs sites de nidification.